Quelques explications sur les principaux ordres religieux en relation avec l'histoire locale
Pourquoi un dossier sur les ordres religieux qui étaient actifs dans les Pyrénées catalanes au cours de l'histoire de cette région ? La réponse est simple : parce qu'ils ont été à l'origine de la formation du peuple catalan. Ce sont eux qui l'ont forgé, structuré, et c'est grâce à eux que des chapelles ont été construites dans des lieux perdus dans la montagne, chapelles qui sont aujourd'hui les églises des villages, qu'elles aient été reconstruites ou non. En clair, ce sont les ordres religieux qui sont à l'origine des villes et villages du département, et à ce titre, il était important de connaître leur histoire.
La christianisation de la région a commencé à la fin de l'Empire romain et au début de l'invasion wisigothique. C'est de cette époque que date l'évêché d'Elne (au VIe siècle). Mais le véritable essor de la religion chrétienne arriva par le biais des grandes abbayes, qui essaimèrent des églises dans toutes les vallées et sur tous les sommets du Roussillon et de la Cerdagne. Voici une liste des principaux ordres religieux ayant influencé l'histoire de la région.
Bénédictins - Capucins - Carmélites - Cisterciens - Clarisses - Dominicains - Franciscains - Frères pontifes - Hospitaliers - Jésuites - Minimes - Templiers
Bénédictins
Il s'agit de moines vivant selon la règle de saint Benoît. Ils représentent la part la plus importante de l'ensemble du monachisme chrétien d'Occident. Ce sont des moines vivant en communauté (les cénobites), dans le silence, le travail intellectuel et manuel, le recueillement, la prière et, particulièrement, la solennité de l'office liturgique célébré dans l'église du monastère aux différentes heures du jour et de la nuit (laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies, nocturnes). Ils obéissent à leur abbé (ou à leur prieur, dans les couvents dépendant de l'abbaye), père spirituel qui les dirige dans les voies de la sainteté.
Au cours de l'histoire de l'Église, les bénédictins se sont divisés en de multiples branches (clunisiens, cisterciens - dont sont issus les trappistes -, camaldules, célestins, etc.), qui sont demeurées fidèles, pour leur organisation et leur spiritualité, à la règle de saint Benoît de Nursie. Celle-ci, rédigée au VIe siècle, connaît une vigueur nouvelle grâce aux révisions que lui apporte Benoît d'Aniane (mort en 821). Toutefois, c'est après la fondation en 910 de l'abbaye de Cluny que le mouvement bénédictin va vivre son apogée. Cette abbaye suscite de très nombreuses filiales dans l'Europe entière, où elle a un considérable rayonnement spirituel, culturel, artistique et même politique, tandis que se développe parallèlement la branche cistercienne du mouvement bénédictin.
Celui-ci connaît par la suite des phases de décadence, notamment avec les abus de la commende. Cependant, des réformes font jour, comme celle qui, en France, au XVIIe siècle, donne naissance à la congrégation de Saint-Maur, vouée aux travaux d'érudition. Plusieurs communautés de moniales se réforment à la même époque, telle l'abbaye de Port-Royal. En 1893, le pape Léon XIII crée une Confédération bénédictine qui comprend quinze congrégations et qui est présidée par un "abbé primat", mais de telle sorte que soit sauvegardée l'autonomie traditionnelle propre à chacune de celles-ci.
Grâce à sa création précoce, l'ordre des bénédictins put rapidement s'étendre. Un monastère de cet ordre fut fondé à Saint-Paul-de-Fenouillet sous le nom de "Saint-Paul de Valolas", d'où provient le nom de la ville. Ils exercèrent des droits sur la ville pendant quelques années.
Une autre abbaye célèbre est celle d'Arles-sur-Tech, consacrée à Sainte-Marie. Construite initialement en 778, elle fut complètement détruite par une crue du Tech, et il fallut attendre 820 pour que les moines la reconstruisent plus en hauteur, à l'abri des inondations. Il s'agit de l'une des plus anciennes constructions religieuses romanes du Roussillon.
Mais c'est sans doute l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa qui est la plus représentative de cet ordre dans le Roussillon. Internationalement connue, elle a abrité jusqu'à la Révolution une communauté de bénédictins qui a essaimé de nombreux édifices dans toute la région.
Les capucins sont des religieux appartenant à l'ordre des Franciscains. Cet ordre a été réformé par Matteo di Bascio et approuvé par Clément VII en 1528. Imprégné de l'esprit de pauvreté de Saint François, l'ordre n'apparut en France qu'en 1573 et y devint très vite populaire. Les capucins portent une tunique de bure marron avec un capuce assez long, une corde blanche en guise de ceinture et des sandales.
La ville de Céret accueillit un couvent de capucins en 1581, qui entra rapidement en opposition avec le couvent des Carmes, établi également en 1648. Peu après, en 1589, un autre couvent fut fondé à l'ouest de la ville de Thuir.
Carmélites
L'ordre du Mont Carmel, dont la communauté est essentiellement féminine, est ainsi nommé. Les carmélites forment un ordre mendiant, institué en 1207, et Saint Albert de Verceil en établit une première règle treize ans plus tard. Un ordre réformé de cet ordre, les Carmes Déchaux, donna naissance aux Carmélites Déchaussées.
La ville de Céret vit l'établissement d'un couvent de Carmes en 1648. Par ailleurs, en 1582, ce sont des carmélites déchaussées qui s'installèrent dans un couvent de Vinça.
L'ordre monastique des Cisterciens, fondé en 1098 à Cîteaux (en Bourgogne) par Robert de Molesmes, avait pour objectif de revenir à une observance plus stricte de la règle de saint Benoît. Dès 1100, le nouveau monastère fut placé sous la protection du Saint-Siège. De 1113 à 1115, quatre nouvelles maisons furent fondées, parmi lesquelles Clairvaux (1114), dont saint Bernard devint le premier abbé. Les monastères s'établissaient généralement à proximité de cours d'eau, sur des terres incultes que les moines défrichaient. Une des caractéristiques de cet ordre est une plus grande sobriété et un plus grand dépouillement que dans l'ordre de Cluny. Cependant, il finit par s'enrichir et fut réformé, principalement par l'abbé de Rancé. Retiré à l'abbaye de la Trappe, à Soligny (Orne), ce dernier soumit la communauté à une règle extrêmement sévère. Ainsi, il fonda en 1664 l'ordre des Cisterciens de la stricte observance (les trappistes).
Aujourd'hui, les Cisterciens sont représentés d'une part par le Saint Ordre de Cîteaux et d'autre part par les Trappistes de Soligny, majoritaires en France.
Saint-Michel-de-Cuxa
En Roussillon, les Cisterciens se trouvent de nos jours à l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa. Initialement occupée par des moines bénédictins, cette abbaye fut abandonnée à la Révolution française lorsque les moines durent fuir. Elle resta désertée jusqu'au XIXe siècle, lorsque la communauté cistercienne reprit le flambeau et poursuivit l'histoire de ce monastère. La première abbaye cistercienne que le Roussillon connut fut celle de Saint-Marie-de-Jau, déjà en service en 1162. Elle fut fondée relativement tôt, à peine 80 ans après le début de l'ordre.
Les Clarisses sont des religieuses appartenant à un ordre de moniales cloîtrées, aussi appelées "Pauvres Dames", fondé par Claire d'Assise (1193-1253) en 1212. Sa règle, édictée par saint François d'Assise, fut approuvée en 1253. Les Clarisses suivent une règle de stricte observance et sont tenues à pratiquer la plus grande pauvreté. L'ordre se développa au XIIIe siècle en France et en Italie ; au XVe siècle, il subit un certain relâchement, mais, en s'associant au mouvement de réforme des instituts franciscains, il gagna suffisamment de force pour résister au protestantisme. Il connut son apogée au XVIIe siècle : on comptait alors 925 couvents et 34 000 religieuses. La Révolution porta un rude coup à l'ordre de sainte Claire, sauf en Espagne, et il ne retrouva son élan qu'au XIXe siècle.
Les Clarisses ont exercé une profonde influence sur la littérature mystique. Elles se sont toujours consacrées à l'éducation de la jeunesse et à l'apostolat missionnaire dans le Nouveau Monde. On en compte aujourd'hui un millier en France, réparties en 55 couvents.
Perpignan accueille toujours un couvent de Clarisses, situé avenue Maréchal Joffre. La particularité de ce couvent est de conserver la dépouille de Mère Marie Antigo, décédée il y a 400 ans et toujours en parfait état de conservation. La ville de Perpignan a par ailleurs proclamé 2002 année "Marie Antigo". Un jardin a été inauguré en septembre 2002 à son nom, près de la Casa Xanxo.
L'ordre religieux des Dominicains fut fondé par saint Dominique en 1215, sous la dénomination originale de Frères prêcheurs. La règle des origines s'inspire de celle de saint Augustin, assortie d'obligations très strictes empruntées à Cîteaux. Spécialement consacrés à l'étude et à la prédication, les Dominicains sont les premiers moines à abandonner le travail manuel. Dès le début, il fut décidé que l'ordre n'aurait aucune possession foncière, à l'exception de ses couvents et de ses églises, les frères vivant de mendicité (comme celui de saint François, l'ordre de saint Dominique est dit mendiant). Les grands centres intellectuels tels que Paris, Rome et Bologne virent rapidement s'ouvrir une université dominicaine. L'histoire de l'ordre a toujours été liée à la défense de l'orthodoxie et à la mission, avec parfois des engagements qui ont pu paraître contestables, comme dans l'Inquisition (qui a toujours été confiée à l'ordre) ou dans les conquêtes espagnoles et portugaises en Amérique latine.
La vie de l'esprit est telle chez ces religieux que, dès le début, certains des plus grands maîtres, comme Albert le Grand et Thomas d'Aquin, furent dominicains. Il y eut plus tard le peintre Fra Angelico, puis Eckhart et Jérôme Savonarola. Au XIXe siècle, Lacordaire, restaurateur de l'ordre en France après sa suppression par la Révolution, fit également partie de l'ordre. La fameuse École biblique et archéologique française de Jérusalem, fondée en 1896 à l'initiative du père Lagrange, est toujours confiée à des Dominicains, ce qui suscite parfois une vigoureuse opposition de la part de l'université traditionnelle.
L'ordre est organisé en provinces, avec la tenue annuelle d'un chapitre dans chacune d'elles, chapitre qui, tous les quatre ans, élit le supérieur provincial. L'autorité suprême est le chapitre général, qui a pour charge d'élire le supérieur général de l'ordre, nommé à vie. En 1996, l'ordre comptait quarante provinces avec environ neuf mille religieux. Dans la mouvance de cet ordre, diverses congrégations féminines rayonnent, qu'elles soient contemplatives, apostoliques ou enseignantes. Depuis 1442, il existe également un tiers ordre de Saint-Dominique.
Les Dominicains possédaient un des couvents les plus importants à Perpignan avant la Révolution. Dans leur couvent, fondé en 1245, ils prêchaient et enseignaient, ce qui leur valut le nom de "Placa dels predicadors" (place des prêcheurs), dès le XIIIe siècle. Le couvent des Dominicains à Perpignan se trouve à côté de la caserne Mangin. La chapelle Saint-Dominique était l'église du couvent. Au XVe siècle, les Dominicains eurent la tâche de surveiller les Juifs convertis, qui avaient pour obligation de vivre dans le Call (quartier juif obligatoire qui existait dans toutes les grandes villes de Catalogne), près du couvent.
Légèrement à côté de la chapelle se trouve une autre chapelle, plus modeste, appelée "chapelle du tiers-ordre". Elle était dédiée à un autre ordre de Dominicains, le tiers-ordre. Ces Dominicains étaient mendiants, contrairement à leurs confrères. Cette chapelle fut rendue célèbre par les Trabuycaïres, ces bandits de grands chemins opérant dans les Albères, qui furent jugés dans cette chapelle.
Franciscains
Il s'agit de l'ensemble des religieux qui observent la règle de saint François d'Assise et qui, comme les Dominicains, sont vite devenus un ordre de prêcheurs s'adressant aux gens des villes comme à ceux des campagnes. De nos jours, la famille franciscaine, qui est l'ordre masculin le plus important en nombre, comprend trois branches : l'ordre franciscain des Frères mineurs (appelés franciscains en France), l'ordre franciscain des Frères mineurs conventuels et l'ordre franciscain des Frères mineurs capucins. Cette diversification reflète la complexité de l'histoire des disciples de saint François. Le premier problème naît de la nécessité de gérer la contradiction entre l'organisation ou l'institutionnalisation qu'appellent l'expansion, la durée, et l'esprit même du fondateur, où dominent action et contemplation, pauvreté et non-conformisme. L'évolution du prophétisme mystique vers la structuration est rendue nécessaire par l'entrée en masse de clercs dans la fraternité. Saint Bonaventure, ministre général de l'ordre en 1257, joue un rôle décisif en optant pour une cléricalisation calquée sur les usages des monastiques. Les Frères mineurs deviennent alors un ordre de grands docteurs : à côté de Bonaventure, on y remarque Duns Scot, Roger Bacon, Guillaume d'Ockham, entre autres. Contrairement à ce que laisse penser leur réputation d'ignorance, conséquence de leur humilité, les Franciscains du XVIe siècle sont aussi des maîtres spirituels, dont l'influence se retrouve jusque chez Thérèse d'Avila et Ignace de Loyola.
Les conflits internes ne manquent pas. Après la mort de Bonaventure, en 1274, un grave clivage se manifeste. D'un côté, il y a les partisans nostalgiques de la pauvreté initiale, les "spirituels" : séduits par les idées millénaristes de Joachim de Flore, ils sont condamnés par les papes et entrent pour la plupart en rébellion sous le nom de fraticelli, "petits frères" ; de plus en plus radicalisés et marginalisés, ils furent victimes de l'Inquisition. D'autre part, il y a les conventuels, modérés, avec les "spirituels" demeurés fidèles ; ce sont les observants, qui constituent toujours la branche principale de l'ordre. Après un siècle et demi de discussions et parfois de luttes, le pape Léon X, en 1517, déclare la séparation entre les conventuels et les observants, mais au sein d'un ordre dont il maintient l'unité.
L'unanimité ne se fait pas pour autant. Aussi, en plein XVIe siècle, l'observant Matthieu de Basci prône le retour à l'idéal du fondateur, tel, du moins, qu'il le perçoit. Avec ses compagnons, il fonde en Italie l'ordre des Capucins : à la fois ermites, mendiants et prédicateurs populaires, ils s'imposent vite dans l'Église comme les vrais disciples de François d'Assise. En 1575, les Capucins s'implantent en France, où ils font très vite de nombreux disciples (le fameux père Joseph, le secrétaire de Richelieu, est l'un des leurs).
En 1897, Léon XIII opère la fusion de l'ensemble des observants diversifiés (connus en France sous le nom de Récollets) sous le nom de Frères mineurs, laissant aux Capucins et aux Conventuels une totale et réciproque indépendance. Conformément aux réformes demandées par le concile Vatican II, l'orientation franciscaine majeure tend à rechercher aujourd'hui les conditions d'une vie en fraternité, plus conforme à l'esprit des origines.
Ordre mendiant créé au XIIIe siècle, les Franciscains ont rapidement construit leur couvent à Perpignan. Situé le long de l'actuelle rue Maréchal Foch, le seul reste de ce couvent consiste en l'église Notre-Dame des Anges.
Les frères pontifes constituent un ordre de moines bâtisseurs. Spécialisés dans la construction de ponts et d'hôpitaux, ils forment les ancêtres de nos ponts et chaussées. Les frères pontifes d'Avignon s'illustrèrent par la création du célèbre pont d'Avignon, mais ils eurent d'autres prérogatives : l'assainissement des routes de la Salanque, par exemple.
Ordre de chevaliers créé en 1113 dans le but de défendre Jérusalem, les Hospitaliers ou chevaliers de l'hôpital durent leur nom au fait qu'ils étaient, au départ, défenseurs de l'hôpital de Jérusalem. Approuvé par le pape Pascal II, les membres de l'ordre avaient fait vœu de chasteté, de pauvreté et d'obédience. Le fondateur était un certain Gérard. Ils étaient composés de trois catégories :
Les Hospitaliers formaient une communauté soumise à la Règle de saint Augustin. D'abord dédiée à la protection des pèlerins et des croisés, l'ordre quitta la Terre Sainte lors de la chute des États croisés. Après 1309, l'ordre établit son quartier général sur l'île de Rhodes. Il formait un État territorial et sa marine protégeait la Méditerranée orientale des musulmans. Les propriétés des Chevaliers du Temple, lors de leur dissolution, furent offertes à l'ordre en 1312. Les unités de l'ordre qui se trouvaient dans les pays étrangers étaient appelées Langues. Forcés de quitter Rhodes lors de la prise de l'île par Soliman le Magnifique, chef des Turcs ottomans, en 1522, les Chevaliers ne retrouvèrent pas de quartiers généraux avant 1530, lorsque l'île de Malte leur fut cédée.
Rendus maîtres de l'île, les chevaliers de Malte (qui était le nom pris alors par l'ordre) dirigèrent une fantastique défense de l'île contre la flotte d'invasion ottomane en 1565. L'ordre figura dans l'histoire européenne largement jusqu'au XIXe siècle. Il perdit ses possessions anglaises et allemandes lors de la Réforme et ses biens français lors de la Révolution. Les Russes offrirent alors leur protection à l'ordre, mais les Français prirent Malte sous Napoléon. Le couvent fut transféré à Trieste en 1798 et à Rome en 1834. À ce moment, les Russes avaient confisqué toutes les possessions de l'ordre sur leurs territoires.
Les chevaliers de Malte, tels que les reconnut le pape Jean XXIII en 1961, forment une communauté religieuse et un ordre de chevalerie. Organisé en cinq grands prieurés et de nombreuses associations nationales, ils entretiennent des relations diplomatiques avec le Vatican et différents pays. En tant que communauté religieuse, ils disposent d'hôpitaux, de centres de premiers secours et d'équipements destinés aux soins des blessés et des réfugiés.
Ils portent une grande cape noire sur laquelle est appliquée une croix de Malte. Le Grand Maître porte le titre de prince et occupe un rang ecclésiastique équivalent à celui de cardinal.
Membres de la Compagnie de Jésus, fondée en 1540 par Ignace de Loyola, celle-ci trouve ses premières bases dès 1534, à Montmartre, lorsque Ignace de Loyola pose, avec quelques compagnons, les premières bases d'un ordre qui, les circonstances aidant, deviendra l'instrument privilégié de la Contre-Réforme. On peut distinguer plusieurs périodes dans le développement de la Compagnie de Jésus.
De 1534 à 1556, date de la mort d'Ignace de Loyola, prend place la constitution de l'ordre, que sanctionnent deux bulles papales, en 1540 et 1550. L'exemple fourni par Ignace et ses compagnons est celui de "prêtres réformés" dont la discipline de vie est radicalement distincte de celle pratiquée par le clergé de l'époque. Au centre du petit groupe rayonne une vertu suprême : la disponibilité, afin de pouvoir "aprovechar a las ánimas", c'est-à-dire "être utile aux âmes" en conformité avec l'enseignement de l'Église. Aux trois vœux ordinaires de religion s'ajoute un vœu spécial d'obéissance au pape, qui se traduit par l'engagement, que contracte chaque jésuite, d'accomplir toute tâche qu'il se verrait confier par le pontife.
En outre, une formation plus longue et la pratique des Exercices spirituels caractérisent l'ordre, de même que l'extrême centralisation du pouvoir interne, toute autorité étant remise aux mains d'un supérieur général élu à vie par la congrégation. Le rêve des premiers compagnons était missionnaire : évangéliser les infidèles, les Turcs ou, à défaut, les luthériens. Le premier projet n'était guère réaliste; en fait, la "mission" se concentre en Europe, et la fonction éducatrice des jésuites se développe de manière imprécise : dès 1558, un collège est fondé à Messine pour la formation interne, mais il est ouvert aux laïcs et les jésuites prennent en charge une éducation populaire. Toutefois, l'idéal premier est illustré par l'œuvre de François Xavier, l'un des premiers compagnons, qui profite de l'ouverture du monde due aux grandes découvertes.
L'ordre se développe rapidement : à la mort de son fondateur, il regroupe un millier de membres en 101 maisons et 12 provinces.
De 1556 à 1750, sous les généralats de Claude Aquaviva (1581-1615) et de Mutio Vitelleschi (1615-1645), la Compagnie connaît son apogée. C'est l'époque de l'Ancienne Compagnie qui compte, en 1616, 13 000 membres, 400 maisons et 37 provinces. Sur le plan doctrinal, l'accent est mis sur la valeur de l'effort humain dans l'obtention du salut, quoique dans la fidélité à la théorie thomiste de la grâce. Cette époque est celle d'un extraordinaire essor missionnaire : Inde, Japon, Philippines, Congo, Brésil sont visités par les pères jésuites, suivant la voie de François Xavier; un souci nouveau anime cette évangélisation : respecter et comprendre les civilisations rencontrées.
Par ailleurs, la Compagnie, considérant désormais l'enseignement comme une véritable mission, forme dans ses collèges (bientôt très réputés) l'élite intellectuelle et politique de la France et, pour une part, de l'Europe; ainsi, l'implantation des jésuites en Allemagne, notamment, limita l'expansion du protestantisme (mais ils ne purent s'implanter durablement en Angleterre). Cependant, l'ordre, dès cette époque, se trouve en butte à de virulentes critiques. Dans ses Provinciales, Blaise Pascal, attentif aux thèses du jansénisme, reproche aux jésuites leur casuistique, qu'il relègue au rang de l'hypocrisie. Quant à l'allégeance que les émules d'Ignace de Loyola jurent au pape, elle exacerbe la critique gallicaniste, qui voit dans l'ordre un agent à la solde de Rome.
C'est pourquoi, de 1750 à 1814, va s'ouvrir pour la Compagnie une ère de vicissitudes marquée de suppressions et d'expulsions retentissantes. Ayant concouru au renforcement et au rayonnement des monarchies absolues en Europe, les jésuites verront leur fortune tourner : le glas de leur faveur sonne en 1759 au Portugal, d'où 1 700 d'entre eux sont expulsés. En France, Louis XV supprime la Compagnie en 1764 (trois mille jésuites sont dispersés dans leur diocèse d'origine), bientôt imité par Charles III d'Espagne, qui signe un même arrêt en 1767. Enfin, Clément XIV, à son corps défendant, dissout la Compagnie en 1773 (Dominus ac Redemptor) afin de préserver l'unité de l'Église, ébranlée par toutes ces querelles. Mais la décision papale n'emporte pas l'assentiment de deux souverains européens : Frédéric II de Prusse et Catherine II de Russie, qui vont permettre à l'ordre de subsister et de renaître de ses cendres, en 1814, à l'invitation du pape Pie VII, qui prononce son rétablissement. Au lendemain des diverses poussées révolutionnaires qui ont secoué l'Espagne, s'ouvre donc pour la Nouvelle Compagnie une ère nouvelle. Deux généralats occupent une place particulière dans le siècle qui court de 1814 à 1914 : ceux du père Jean (1853-1887), marqué par des persécutions et des expulsions. L'effort des jésuites au XIXe siècle consiste notamment à préparer l'opinion à adhérer au dogme de l'infaillibilité pontificale (1870).
Quatre généralats se sont déroulés depuis la Première Guerre mondiale : ceux du Polonais Ledochowsky (1915-1942), du Belge Jean-Baptiste Janssens (1946-1965), de l'Espagnol Pedro Arrupe (1965-1983) et du Néerlandais Peter-Hans Kolvenbach. On compte actuellement près de vingt-quatre mille jésuites dans le monde.
Les jésuites ont construit leur couvent beaucoup plus tard que les autres ordres religieux puisqu'il a été créé entre 2 et 3 siècles après les autres. Ils se sont installés dans des bâtiments de l'actuel théâtre municipal, place de la république.
L'ordre des Minimes a été créé en 1474 par saint François de Paule. Son nom a été choisi en France pour évoquer le côté humble de l'ordre, les moines s'identifiant à des personnes encore plus mendiantes que les frères mineurs, les Franciscains. Ils voulaient ainsi se rapprocher des plus démunis. L'ordre des Minimes se caractérise par la sévérité de ses règles. En effet, aux vœux ordinaires de pauvreté, d'humilité et d'obéissance vient s'ajouter le carême perpétuel. Les Minimes n'ont droit qu'aux légumes, au pain, à l'eau et à l'huile. Cette règle peut bien sûr être adoucie en cas de maladie, mais les contrevenants ou ceux qui ne les auraient pas dénoncés sont sévèrement punis, enfermés dans leur cellule pendant trois mois et ne recevant, le mercredi et le vendredi, que du pain et de l'eau. Ceux qui n'ont pu déjeuner à l'heure habituelle doivent attendre le prochain repas ou demander l'autorisation auprès du correcteur.
Les Minimes portaient une robe de drap grossier de couleur noire qui descend jusqu'aux talons, une ceinture de laine nouée de cinq nœuds; ils ne peuvent quitter cet habit ni le jour, ni la nuit. Il leur est interdit de porter des chaussures fermées, sauf en voyage, sabots de bois ou sandales rappelant aux moines qu'ils sont parmi les plus pauvres. En voyage, ils vont à pied ou sur le dos d'un âne ou, seulement lorsqu'ils ne trouvent pas d'âne, sur un mulet ou un cheval.
Le rôle des Minimes consiste à annoncer la bonne parole et l'infinie miséricorde de Dieu. Leurs tâches sont la prédication, l'apostolat paroissial, l'enseignement, les écoles de prière ou d'orientation spirituelle. De nombreux Minimes se tournent aussi vers l'étude et la recherche. Les règlements sont même assouplis pour les moines qui se consacrent plus spécialement au travail intellectuel : on arrêta entre autres que les étudiants et les lecteurs seraient dispensés de l'assistance au chœur, surtout la nuit, et que les supérieurs locaux ne confieraient pas aux étudiants les services de la communauté sans graves et urgents besoins, qu'ils leur procureraient au contraire les moyens nécessaires à l'étude, payant pour chacun d'eux une pension annuelle.
Saint François de Paule (1416-1508) est le fondateur de l'Ordre des Minimes. Il fut le consolateur de Louis XI mourant, à Plessis-lez-Tours. Il fut confirmé dans cette charge par Jules II en 1506. Considéré par ses parents comme l'enfant d'un miracle accompli par le Poverello, saint François d'Assise, il en reçut le prénom. François Martotelli est né dans le village de Paola en Calabre, d'où son nom. Tout jeune, il entre chez les Cordeliers (une branche de la famille franciscaine). Il s'y distingue bien vite par des grâces exceptionnelles, comme de se retrouver en deux endroits en même temps. Après un pèlerinage, il se retire dans une grotte à quelque distance du couvent. D'autres solitaires le rejoignent : ils deviendront en 1460, l'Ordre des Minimes, religieux voués à l'humilité superlative. François continue bonnement ses humbles excentricités : on dit qu'il traversa le détroit de Messine en marchant sur la mer. Sur injonction du Pape Sixte IV, il se rend à Plessis-lez-Tours, au chevet du roi de France Louis XI. Après le décès du monarque, le fondateur va rester un quart de siècle à la cour de France. Affectueusement surnommé "le bonhomme" par le peuple qui le vénère, ce simple frère-laïc bénit inlassablement cierges et chapelets. Pourtant il gouverne à merveille la vie spirituelle des prêtres, évêques et rois.
Les Minimes se sont installés assez tard à Perpignan, en 1573, soit 99 ans après la fondation de l'ordre. Leur couvent se trouvait un peu en contrebas de la place du Puig, le long des remparts.
L'ordre du Temple est un ordre de moines combattants créé à l'occasion d'une croisade en 1119 à Jérusalem. Le but était d'assurer la protection des pèlerins qui venaient en Terre sainte. C'est Hugues de Payns, un chevalier croisé, qui en fut l'investigateur. Il était suivi de huit autres chevaliers : Geoffroy Bisol, Payen de Montdidier, André de Montbard, Godefroy de St-Omer, Rosal, Archambaud de St-Amand, Godemar et Geoffroy. Pour pouvoir être autonome à Jérusalem, le roi Baudouin II leur octroya un terrain près du temple de Salomon. Ils devinrent alors les chevaliers du Temple.
L'ordre fut organisé selon un modèle strict. Au sommet se trouvait le maître, dont l’autorité était limitée par un chapitre composé des dignitaires de l’ordre : le sénéchal, le maréchal, le commandeur de la terre et du royaume de Jérusalem, le drapier et les commandeurs des autres provinces. En 1128, l'ordre du Temple est approuvé par le concile de Troyes, grâce en particulier à l'intervention de Saint Bernard de Clairvaux. La popularité des templiers est immédiate car ils représentaient à la fois un état d'esprit religieux et une volonté de guerriers. Cette popularité leur permit d'obtenir rapidement de nombreuses richesses issues en particulier de dons et legs de personnes plus ou moins riches.
A partir de 1149, les tenues sont imposées : les chevaliers portent une tunique blanche, les sergents, chapelains et écuyers en ont une noire. Tous portent la croix rouge symbolique. En 1257, les templiers possédaient 3468 châteaux, forteresses et maisons dépendantes, réparties dans dix-neuf provinces et sous-provinces. La maison de Jérusalem comprend deux couvents avec 350 chevaliers et 1200 sergents. Ils s'étaient organisés en commanderies, sortes de divisions administratives parallèles assurant les revenus de l'ordre. Chaque commanderie collectait de l'argent pour financer les guerres nécessaires à la conservation des terres de Jérusalem. Malheureusement, peu à peu leur pouvoir s'amenuisa, d'une part parce que les musulmans étaient de plus en plus belliqueux, récupérant un peu plus de terre à chaque attaque, d'autre part à cause de l'inactivité des souverains européens. En 1291, soit vingt ans après la dernière tentative de croisade (la 8e et dernière), le dernier bastion franc tombe en Terre sainte. Les templiers reviennent à Paris, où ils fondent leur maison principale.
Au début du XIVe siècle, Boniface VIII souhaite unir le Temple et les Hospitaliers, mais Jacques de Molay, alors maître, refuse cette proposition. Refusé parmi eux, le roi de France Philippe IV sera le destructeur des templiers. Alors en manque d'argent, il les fit emprisonner, les fit torturer par l’Inquisition après avoir récupéré leurs richesses et profita des faux aveux des membres pour obtenir la dissolution de l'ordre du Temple durant le concile de Vienne en 1312 devant le pape Clément V, alors que les rois et princes d’Angleterre, d’Espagne, d’Écosse, d’Allemagne - entre autres - ont reconnu l’innocence du Temple. Le maître Jacques de Molay est brûlé en 1314, marquant leur fin. C'est sur le bûcher qu'il eut cette phrase célèbre : "Maudit, je vous maudis tous, vous et vos enfants, jusqu'à la 13e génération !".
Les biens du Temple reviennent aux Hospitaliers ou aux ordres successeurs qui sont créés en Espagne : l’ordre de Notre-Dame-de-Montesa dans la région de Valence et l’ordre du Christ au Portugal.
La commanderie principale des Templiers en Roussillon se trouvait au Mas Deu, il s'agissait d'une ferme importante mais non fortifiée. En fait, toute la région ne leur servait qu'à récupérer les revenus du patrimoine foncier qu'ils possédaient, au contraire de certaines autres commanderies plus destinées à former des combattants. D'ailleurs, il n'y eut jamais plus de cinq moines guerriers à Perpignan.
Le Mas Deu apparaît pour la première fois en 1137 dans un acte faisant don à celui-ci par Bernard de So de terrains à Borrad (?) et à Centernac (St Arnac). Ce mas fut construit sur une terre donnée par Guillaume et Orgollosa de Villemolaque au frère Arnaud de Bedos. Dès lors, son expansion fut rapide. Jusqu'au milieu du XIIIe siècle, les templiers récupérèrent grâce à des dons la majeure partie de leur important patrimoine foncier. Ces dons servaient, pour les donateurs, à racheter le salut de leur âme, à s'assurer la protection des templiers, à être éventuellement inhumés dans le cimetière des templiers ou pour se faire pardonner une mauvaise action. Certains donnaient également pour aider les templiers à lutter contre les infidèles, mais c'était plus rare.
Chacune des terres données était rattachée à un centre templier nommé préceptorie secondaire qui avait la charge de les administrer (Les responsables étaient donc des régisseurs). Après la préceptorie principale du Mas Deu, les templiers avaient créé celle de Perpignan, de Palau del Vidre et du Mas de la Garrigue au début du XIIIe siècle. La préceptorie de Perpignan était située à l'angle de la rue Mailly et de l'impasse de la Division. Il s'agissait concrètement d'une maison forte. Son territoire était plus étendu qu'on ne le pense puisqu'elle avait la charge d'administrer les terrains donnés par les comtes du Roussillon (en 1143 et 1155) situés à St Mathieu (le quartier de St Mathieu fut construit par les templiers au milieu du XIIIe siècle). Elle possédait également des terrains à Mailloles.
La préceptorie de Palau gérait l'ensemble de la seigneurie du même nom, d'une part par le testament de Bernard de la Roca, qui leur a donné toutes ses possessions, et d'autre part de Guinard II, dernier comte du Roussillon, qui leur lègue par testament le château. C'est ainsi que les templiers devinrent les administrateurs de Palau del Vidre.
La préceptorie du Mas de la Garrigue gérait les domaines de Fontcouverte, du mas de la Garrigue (situé entre Perpignan et le Mas Deu), de Mailloles, de Pollestres et de Villeneuve de la Raho. Par la suite, d'autres préceptories furent créées au fil des dons plus ou moins éloignés faits aux templiers. Ainsi naît celle de St Hippolyte, qui posséda un important domaine et le château du village. Une préceptorie apparaît temporairement au cours du XIIIe siècle à Bages, mais en 1264 elle sera rattachée au Mas Deu. En 1214, apparaît la préceptorie de Centernac (St Arnac), puis en 1261 celle de Corbas, près de Sournia, et enfin en 1264 celle d'Orle, près de Perpignan. En 1271, le Temple achète à la famille d'Oms toute la seigneurie d'Orle, ce qui rend cette préceptorie d'une grande importance.
Croix templière
Si toutes ces préceptories avaient la charge d'administrer les terres qui les entouraient et ainsi récupérer l'argent pour faire vivre l'ordre, le Mas Deu possédait également énormément de terres dans des endroits plus éloignés. Citons, par exemple, le castrum de Collioure, à ne surtout pas confondre avec le château royal, des pâturages importants à la Carença, et pêle-mêle, des exploitations dans les lieux suivants :
Cette liste impressionnante montre bien la ferveur des habitants de la région pour les Templiers. Il faut noter que les principales terres se trouvaient en plaine, à proximité du Mas Deu, et que plus on s'en éloigne, moins les terres sont importantes, exception faite de la Carença, dont les pâturages avaient une grande valeur.
C'est à Nyls que les templiers ont le plus de possessions (50 pièces de terre). La première donation est faite par dame Azalaïdis qui se donne corps et âme et laisse son honneur de Ste Marie de Nyls en 1133. En 1141, un alleu donné par Bernard Aldabert de Campmany et en 1148, G. de Montesquieu donne un manse (Agnils, Aynils = Nyls). La plus importante donation vient en 1182 quand Guillaume de Montesquieu donne à Pierre d'Aiguaviva toute la villa de Nyls avec ses dépendances. C'est l'origine de la "dominacio" du Temple à Nyls.
Jusqu'en 1227, le Temple recevra de nombreuses donations. À partir de cette date, ils commencent à acheter autour d'eux les terrains qu'ils convoitaient. Le Temple s'étend aussi à Ponteilla, dont la première possession fut faite en 1169 par Bérenger Vilamilar qui donne des hommes propis.
En 1183, Pierre d'Aiguaviva achète l'étang de Karaig pour 2000 sous, et après avoir acheté la part de Gaubert de Castelnou sur l'étang, il le fait assécher. En 1172, le chevalier Gombaud de Mailloles se donne corps et âme au Temple et lui lègue tout son alleu de Pollestres. Un acte de 1290 indique que le Temple possède dans le territoire St Martin de Pollestres des maisons et un cellier dans la cellera et des champs.
Palau del Vidre était une importante zone nécessitant une préceptorie à elle seule. En 1155, le comte Gaufred III de Roussillon et son fils Guinard II donnent à Arnaud de St Cyprien une manse et une prairie à Ste Marie de Palau. Puis, en 1170, Bernard de la Roca lègue à Raymond de Canet tout ce qu'il possède à Palau sauf son fief de chevalier. Mais c'est surtout en 1172 que Guinard II, nouveau comte du Roussillon, donne par testament le castrum et la villa de Palau et tout ce qu'il y possède. Le 1er précepteur apparaît en 1187, il s'agit d'André. Jusqu'au XIIIe siècle, ils continuent à recevoir, puis conformément à la méthode templière, ils achètent ensuite eux-mêmes les terres qu'ils convoitent. Durant le XIIIe siècle, les templiers seront les seigneurs de Palau del Vidre, siège d'une importante préceptorie.
Les premières possessions des templiers en Fenouillèdes arrivent très tôt. Au maximum de l'Ordre, deux maisons secondaires s'occupaient de ces exploitations. Pourtant, seulement 3 % des revenus en sont issus. En 1136, Bernard Bérenger, vicomte de Tatzo, donne tout ce qu'il possède "in villa Prunana" (Prugnanes) dans le vicomté de Fenouillèdes à Arnaud de Bedoc et Arnaud de Contrast, frères du Temple. D'autres donations plus importantes arrivent en 1137, lorsque se construit le Mas Deu. Pierre Bernard de Castelnou donne tout ce qu'il possède et Ermengaud de So donne deux alleux et deux maisons. Puis, en 1151, Guillaume de Montaigu donne son bien à Hugues Raymond, procurateur du Temple, et Pierre de Domanova laisse tout ce qu'il possède à la préceptorie de Saint Arnac.
En 1214 et 1215, Raymond du Vivier vend aux frères du Temple sa part de dîme sur Saint Arnac, Borrad et Saint Étienne de Derc (deux hameaux de l'époque) pour 100 sous, ainsi qu'une manse et deux hommes. Le capbreu (livre terrier) de 1264 indique que les templiers possèdent la dominacio dans le castrum de Saint Arnac et la moitié de Prugnanes. Plus tard, les hospitaliers installent une bastide et une église dédiée à Saint Jean (avant 1320) à Saint Arnac.
A Corbos, le Temple acquiert très tôt un groupe de possessions. En 1141, le vicomte de Fenouillet, Udalgar, donne à Pierre de Rovere, maître du Temple, tous ses droits sur une famille de Corbos, et en 1142, Arnaud de Sournia donne des biens à Sournia et une dîme à Corbos. En 1188, Hugues de Sournia se voue au Temple et donne son honneur de Saint Étienne de Rabouillet. Près de Caramany, un hameau nommé Tornafort : Aladaise de Tornafort donne deux massades.
En Conflent, les possessions des templiers sont disséminées et de faible importance. Il n'y a jamais eu de politique de centralisation des dons ; ils sont répartis un peu partout. Les plus anciennes sont dans la vallée de Mosset : en 1176, Adhémar de Mosset donne à Raymond de Canet, précepteur du Mas Deu, tout ce qu'il possède dans les lieux de Corts et de Pujols. Les pâturages étaient plus intéressants. En 1186, Guillaume de Paracolls donne au Temple un cortal et des terres à Mollers de Martisag (près d'Urbanya). Vu que l'élevage sur ces terres n'était pas rentable, Pierre de Camprodon, économe du Mas Deu, cède le tout à Pons d'Urbanya.
L'abbé de Cuxa donne des pâturages à Carença vers 1180. En 1182, Hugues de Nava vend au Temple son honneur de Finestret contre 300 sous et un cheval. À Villefranche de Conflent, en 1196, Pierre de Cirag donne ses possessions situées sur la route de Corneilla. Deux manses appartiennent au Temple à Villeneuve de Formiguères.
Les premières donations faites aux templiers en Vallespir datent de 1187, avec Guillaume de Montpellier qui donne un homme et sa postérité, une manse d'Arles et tout ce qu'il possède dans la vallée de Prats. Jacques Ier de Majorque concède en 1245, pour 500 sous de droits d'entrée et 50 sous de melgueil de cens, des pacages à la Comalada entre le Tech et Prats (ces pacages pouvaient accueillir jusqu'à 4000 têtes de bétail). Ils eurent également diverses possessions à Maureillas, Las Illas, Cérêt et Saint Jean Pla de Corts.
1182 : Guillaume de Montesquieu donne tout son alleu de Saint Martin l'Albère. C'est à cette date que commence la récupération de biens dans les Albères. Pour concentrer leurs terres, les templiers firent des échanges : à la fin de 1198, Gauzbert de Serra, précepteur du Mas Deu, échange un honneur à Sainte Marie de la Clusa et à Saint Jean d'Albère contre le bien de Pons et Bertrand de la Clusa à Villemolaque.
1205 : Raymond de Château-Roussillon vend la dîme de Sorède et en 1243, Guillaume de Villecare vend des terres à Sorède.
Nous avons vu plus haut que les templiers possédaient des biens dans de nombreux villages des Aspres. Mais ces biens étaient de faible importance et surtout très dispersés. La première des donations dans cette région se trouve à Montbolo en 1170 (Udalgar de Sala donne un cens et trois bordes). Les premières possessions arrivent très tôt puisqu'en 1141, le Temple reçoit de Bernard Adalbert de Campmany des biens et de Gaubert en 1148 sur la route de Passa à Tordères. En 1226, c'est dame Saurimonde qui donne un manse, et en 1236, Bernard Hugues de Serralongue abandonne tout ce qu'il possède à Saint Pierre de Passa.
Les templiers reçoivent également de Bernard de Castelnou, en 1226, un manse à Fourques. À Saint Thomas de Llupia, dès 1136, Bernard Bérenger, vicomte de Tatzo, donne une partie de la cellera. Le Mas Deu possède aussi à Llupia quelques maisons. Mais c'est à Thuir que l'ordre possédait les plus grandes implantations des Aspres.
En 1208, Arnaud de Llers vend au commandeur du Mas Deu tout ce qu'il possède à Terrats : hommes, femmes, manses, droits, fiefs, cens, en franc alleu pour 5100 sous de Barcelone. Idem de la part de J. d'Alliarde en 1228 à Terrats pour 1300 sous de melgueil, et en 1238, dame Marchesia vend tout ses albergues, ses cens et ses droits au Temple pour 1000 sous de melgueil. Avec tant de terres, les templiers deviennent les vrais seigneurs de Terrats.
On trouvait quelques possessions cohérentes autour de Saint Marsal et de Saint Pierre de la Serra (la Trinité) : en 1226, Guillelma, fille de Bernat d'Oms, donne les manses de Saint Marsal et les hommes qui les tiennent, les cens et les albergues, ainsi qu'une manse à Saint Michel de Llotes. En 1232, Pierre de Llauro donne un cortal, un bûcher et des pacages pour les chèvres et les moutons à la Garrigue, sur la route entre Llauro et Vivès. En 1261, deux habitants de Saint Fructueux de Camélas se font hommes du Temple. Le capbreu de 1264 fait état de quelques revenus à Boule d'Amont et dans la vallée de Serrabone.
Ailleurs, ce sont des biens isolés (Tresserre, Banyuls dels Aspres). En 1273, lors de l'achat par le Temple de deux maisons de Saint Sauveur de Cira, les templiers entreront en possession de deux moulins à Saint Étienne de Nidolères. Toutes ces possessions dispersées n'ont pas entraîné la création d'une maison secondaire, comme ce fut le cas pour le Fenouillèdes.
Les possessions des Templiers sont assez dispersées sur la côte, mais un gros centre apparaît à Palau del Vidre. Raymond de Montesquieu cède son alleu d'Alénya, puis en 1174, Pons Guillaume, de la famille de Tatzo, lègue quelques champs à Pujols (un hameau d'Argelès). Les dons touchent toutes les couches de la société, puisqu'on retrouve le comte du Roussillon, Guinard II, qui donne quelques champs là-bas aussi.
En 1190, Béranger d'Orle lègue par testament les manses qu'il possède à Taxo d'Amont et d'Avall ainsi que les hommes et femmes qui y vivent. Puis, en 1201, un honor à Théza de Perpinianus Gras. La même année, Guillaume Jorda lègue tout ce qu'il possède dans le castrum de Théza, deux manses et 40 charges de sel tous les ans. En 1204, un homme de Palol se donne au Temple. En 1205, c'est Raymond de Tatzo d'Avall qui donne trois champs à Saint-Martin de Tatzo. Les Templiers achètent quelques pièces de terre à Taxo d'Avall en 1222 et 1236 pour 600 sous.
Les possessions sont importantes, dont la plus notable est la "dominacio" sur le castrum de Saint-Hippolyte, qui finit par leur appartenir complètement, tout comme Palau del Vidre. En 1153, le comte Gausfred III donne un mas à Malpas (Bompas). En 1230, Guillaume de Muldagons vend tout ce qu'il possède à Garrius, Salses, pour 1000 sous de Melgueil. À Saint-Laurent-de-la-Salanque, le Temple acquiert des terres (ici, ils tireront l'essentiel de leur production de sel : 10 saumâtres). À Saint-Hippolyte, ils y prennent pied assez tard : en 1207, Béranger de Palasol lègue un bien pour avoir le droit de se faire enterrer dans le cimetière templier. En 1208, Pons II de Vernet donne à Bernard Ceguinoles, précepteur du Mas-Deu en franc-alleu, tout ce qu'il a reçu de Béranger de Palasol et de Pierre de Saint-Laurent. En 1211, le même Pons II cède tout ce qu'il possède à Saint-Hippolyte (castrum, terres, hommes, femmes, terres incultes, étang, son cheval et ses armes), et le Temple commence à vraiment faire fructifier ces terres.
En même temps, Josbert de Pézilla lègue tout ce qu'il possède à Saint-Hippolyte : 5 ou 6 manses, des oliveraies, une trentaine de pièces de terres dispersées et des salines. En 1225, apparaît le premier précepteur, Guillaume Restagni. En 1236, Pierre de Castell, chevalier, vend au Temple tout son castrum de Saint-Hippolyte en franc-alleu et tout ce qu'il contient pour 2000 sous de Melgueil. À Saint-Hippolyte, le Temple profitera assez de l'endettement de la famille de Castell, toujours à court d'argent, pour racheter leurs biens. À tel point qu'en 1289, son descendant Guillaume devra rendre hommage aux Templiers pour le castrum de Saint-Hippolyte.
Au XIIIe siècle, tout le village de Saint-Hippolyte était sous leur protection. On peut dire que les Templiers étaient les seigneurs du lieu.
La première possession des Templiers à Perpignan est modeste : il s'agit d'un simple jardin, suivi la même année d'un honor. Mais Gaufred III du Roussillon offre en 1146 à Bernard de Peralada, confrère de la milice, les moulins de Pierre Vincent pour une somme dérisoire : 30 sous. Plus tard, en 1172, c'est son fils Guinard II qui donne les fours de la ville de Perpignan ainsi que les droits des poids et mesures sur le marché et les moulins de la porte de Mailloles.
À partir de 1174, le Temple acquiert d'autres biens (Camp de la Romaguera acheté pour 500 sous à Bernard de Crudeles). De 1180 à 1184, diverses terres, vignes et hommes apparaissent dans les comptes de l'ordre. Jusqu'en 1230, les terres ne servent qu'à l'exploitation agricole, mais à partir de 1230, les moines s'en serviront pour créer des bâtiments d'habitation. C'est ainsi qu'apparaît le quartier Saint-Mathieu. Les plus importantes terres à Perpignan sont à Mailloles : 125 pièces de terre. La préceptorie de Perpignan est la deuxième en importance (du Roussillon), en grande partie grâce aux terres de Mailloles (14 % de la réserve totale des ressources). Les plus gros revenus sont fournis par les droits banaux sur l'utilisation des deux fours et cinq moulins, ainsi que par les cens fonciers prélevés sur 13 localités. Le premier précepteur apparaît en 1205. Vers la fin, la préceptorie compte six ou sept frères.
Importante préceptorie, elle apparaît suite à la donation en 1149 de Gausfred III et de Guinard II pour des terres situées entre les routes de Perpignan à Villeneuve et de Mailloles à Villeneuve. Le territoire était désert et inutile à l'époque. La donation fut complétée en 1153 par deux ventes, puis divers dons furent faits jusqu'au XIIIe siècle. À partir de là, les Templiers achetèrent les autres parcelles de terre qu'ils désiraient. Le Mas de la Garrigue était une grange rurale qui se consacrait à l'exploitation agricole d'un maximum de 27 pièces de terre. Les frères étaient nombreux, mais nous n'en connaissons pas le nombre exact.
De nos jours, ce mas a complètement disparu.
À Orle, l'implantation a été tardive (1190, par testament, Bérenger d'Orle donne le manse d'Arnaud de Nalins).
En 1210, Pierre Sinfrec et sa femme donnent un homme propi et sa famille, mais le Temple devait déjà avoir pas mal de terres à cette époque. Le premier précepteur connu l'est en 1264 : il s'agit de Pierre de Canohès. Cette préceptorie récupérait 5 % des revenus de la totalité de la commanderie du Mas Deu. En 1271, les responsables d'Orle se livrent à de coûteux achats qu'ils rentabilisèrent rapidement : Vente d'Orle au Temple : "Bernard d'Oms, chevalier, fils d'Arnaud de Montescot, vend à frère Arnaud de Castelnou, maître du Temple du Mas Deu, en franc-alleu, tout ce qu'il a dans la villa et le castrum de Saint-Étienne d'Orle : manses, hommes, femmes, moulins, eaux, ruisseaux, avec toute la dîme et tous les droits, le tout pour 22 500 sous de Barcelone".
En 1137, le chevalier Raymond de Villa Pedillano (Pézilla) donne à la "chevalerie de Dieu" un manse dans la paroisse de Sainte-Marie et Saint-André de Saint-Féliu d'Avall et cinq ou six pièces de terre. En 1143, P. Bernard donne "à la chevalerie de Jérusalem" son corps, son âme et des terres en franc-alleu à Saint-Féliu. En 1174, Arnaud de Cabestany se donne corps et âme au Temple, laissant son bien de Saint-Féliu, et pareil pour Ermengaud de Vernet en 1182. Le Capbreu de 1264 précise qu'ils ont quelques droits à Corbère, Corneilla, Villeneuve-la-Rivière, Pézilla et Millas.
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