Histoire
De la préhistoire à l'ère chrétienne
Nyer n’a pas conservé de vestiges de la lointaine époque préhistorique, mais nul doute que le site ait été habité par nos ancêtres, ces collines étant ni trop élevées ni trop basses. Les premiers habitants de la région furent envahis, au fil des millénaires précédant notre ère, par les Ibéro-Ligures, puis vers -500 par les Celtes, et enfin par les Romains (conquête en -121). À la chute de l’Empire romain, ni les Wisigoths (412), ni les Sarrasins (735) ne laissèrent de traces sur le site. Il faut dire que ces deux peuples ont très peu construit, et leurs vestiges sont rares.
Le dispositif militaire carolingien
Il faudra donc attendre l’arrivée des Carolingiens en 811 pour voir naître le système féodal. Les soldats de Charlemagne, ayant conquis le territoire, firent venir des moines — la plupart du temps depuis l’empire sarrasin au sud — pour bâtir de grandes abbayes qui, au fil du temps, essaimèrent des chapelles un peu partout dans la région.
Le village de Nyer tel que nous le connaissons apparaît au XIe siècle sous la forme d’un château : le château de Ca Rocha, ou château de la Roca d’Anyer. Il semble que cet emplacement ait accueilli auparavant une construction militaire wisigothique sur laquelle il aurait pu être édifié, mais cela n’est pas confirmé. Comme tous les châteaux du haut Moyen Âge, il incorporait une chapelle (dite castrale), et les habitants s’étaient regroupés tout autour, recherchant sa protection. Construit à proximité de profonds ravins, il était difficilement prenable.
Le château de Ca Rocha est cité à nouveau en 1276, puis en 1304, lorsque le roi Jacques Ier de Majorque accorda à "Mossem Guillem ça Rocha" la juridiction civile du château de Laroque ("La Roche", donc "Ca Rocha"), des lieux de Porcinyans et d’Anyer (Nyer), à l’exception des justices du maire et du "mixte empire". Ce grand homme fut fidèle à Jacques II de Majorque, ce qui lui valut la perte de sa baronnie lors de la reconquête de la région par le royaume d’Aragon. Toutefois, il retrouva en 1354 la possession du château de Ca Rocha, ainsi que les justices de Porcinyans et de Nyer.
La baronnie de Nyer
La baronnie de Nyer, qui relevait de la vicomté du Conflent, appartenait au haut Moyen Âge à la famille de Ca Rocha. Vers 1375, une fille de cette famille épousa Raymond IV, un membre de la très puissante famille de Banyuls, en lui apportant en dot la baronnie de Nyer.
La baronnie passa alors à la famille de Banyuls. En 1378, à la suite de la mort de son neveu, Dalmau de Banyuls dut reconnaître les fiefs de Ca Rocha, Porcinyans et Anyer, qui lui échurent. Cette famille conserva la baronnie de Nyer jusqu’à la Révolution. Les différents barons de Nyer furent, dans l’ordre chronologique : Jean de Banyuls, Jean-François de Banyuls, Thomas, François, Thomas, Charles, François, Joseph et Raymond.
À la veille de la Révolution, le baron de Nyer n’était plus qu’un riche propriétaire terrien. Il possédait les titres de noblesse, quelques droits, mais les usages avaient naturellement aboli une grande partie de son autorité. Le royaume de France avait lui aussi récupéré les droits de justice. Ruiné par la perte du château et des revenus féodaux, le baron de Nyer s’enfuit à Barcelone le 26 juin 1791 avec quelques autres membres de la famille. Le château fut vendu à M. Roger, de Prades, puis échangé le 3 mars 1839 contre le prieuré de Corneilla, acheté par M. Escanyé.
Ce M. Escanyé ne put faire survivre un domaine aussi important, composé du château, mais aussi des forges de Nyer et de Thuès, qu’il possédait. Il dut vendre à M. Hippolyte Dussard le "domaine de Nyer, château, jardins, forges, moulin, prairies, cours d’eau, maison d’habitation et emplacement des forges de Thuès, mines de fer, métairie de Porcinyans, terres, bois, forêts et pâturages, et généralement toutes les dépendances sans aucune exception de la terre de Nyer, d’une contenance, d’après le cadastre, de 2 500 hectares, le tout pour un prix de 100 000 francs." Cet homme ne devait récupérer son bien qu’après la construction d’un canal d’irrigation pour les terres de Nyer, Escaro, Souanyas et Marians, canal dont la construction et la charge devaient être payées par les arrosants à hauteur de 281,69 francs par hectare, puis d’un revenu annuel dépendant de la surface à arroser.
M. Dussard pensait vendre les prairies et les droits d’usage, mais avant que le canal ne fût terminé, les communes de Nyer et d’En réclamèrent ces mêmes droits. La justice trancha : la commune d’En fut déboutée et les droits furent déclarés appartenir à la commune de Nyer. Un rabais fut accordé sur le prix du domaine pour dédommager M. Dussard. Mais les arrosants n’étaient pas d’accord, car ils se retrouvaient à payer la différence pour un service non encore fourni. Ils portèrent l’affaire en justice et gagnèrent. M. Dussard dut prendre à sa charge les frais d’entretien du canal. Il fut rapidement obligé de revendre le château de Nyer, les dépendances de la forge et la métairie de Porcinyans en 1883 à M. Henri de Rovira, de Perpignan, issu de la famille de Banyuls de Montferrer.
À la Révolution française, les paroisses d’En et de Nyer obtinrent le statut de commune. Mais alors que Nyer se stabilisa, En périclita rapidement et fut rattachée à Nyer en 1822.