Histoire
Moyen-âge : le village de Judaïcas
C'est au haut Moyen-âge qu'apparaît le village de Judaïcas, un hameau doté d'une chapelle à mi-chemin entre Torreilles
et St Laurent, sur la rive de l'Agly. Cette chapelle servira d'église paroissiale au village pendant tout le
moyen-âge, jusqu'à sa disparition au cours du XVIIe siècle. La première mention de Judaïcas date du IXe siècle, mais la première trace écrite date de 1089
sous le vocable de Sancta Maria de Villa Judaicas. En 1220 on retrouve le lieu dabs yb acte de donation de l'église aux templiers. Il semble que la
chapelle ait été construite à proximité d'un château, probablement une villa fortifiée, comme s'était souvent le cas dans la région.
Ces derniers firent de grands travaux d'assainissement du Roussillon et de la
Salanque. L'idée était, pour eux, de récupérer le maximum de terrains cultivables. Pour ça, mis à part les
travaux d'assèchement des étangs du côté de Bages, ils élevèrent des digues le long de l'Agly pour le canaliser, le détournant de son embouchure (L'Agly se
déverse naturellement dans l'étang de Salses et pas directement dans la mer comme de nos jours). Le résultat de ses travaux
permit d'assécher la Salanque, les petites crues de la rivière étant maîtrisées. Partout, sauf à Judaïcas, où la communauté religieuse laissait l'Agly
déborder régulièrement, envahissant le village, et cela probablement pour encourager la communauté juive à quitter la région. Rapidement le village passera
sous la coupe de Jacques de Majorque (1245), fils de Jacques 1er le conquérant. A la chute
du royaume de Majorque, il deviendra une propriété du seigneur de Château-Roussillon, puis plus tard du
vicomte de Castelnou.
XVIIe siècle : Ermitage de Juhègues
Au XVIIe siècle, la population de Judaïcas s'était éteinte. Or cette époque était aussi celle de l'essor des
ermitages. C'est donc tout naturellement que la chapelle paroissiale fut transformée en ermitage. Le
premier d'entre eux était François Laball. C'est lui qui, en 1638, fit construire le bâtiment d'habitation jouxtant la chapelle. Commence alors pour
l'église une nouvelle période caractérisée par les grands pèlerinages des habitants de la Salanque à Notre Dame de Juhègues. Ces pèlerinages (appelé
Aplec dans la région) étaient alors monnaie courante et chaque lieu avait sa date de procession. Juhègues avait son aplec le 8 septembre.
Les ermites assuraient la garde et le service des lieux, ils augmentaient le revenu de la chapelle en allant quêter dans les villages alentours. Le
successeur de François Laball fut Guillaume Portas. Jusqu'au XVIIIe siècle, les ermites étaient des religieux. Ils portaient la bure et représentaient
une caution morale irréprochable. Sans les vénérer, ils jouissaient d'une certaine popularité.
En 1749 la chapelle fut reconstruite, marquant le désir de la communauté de Torreilles de poursuivre cette activité. En 1790 la révolution française
mit un terme à ses pratiques. Les révolutionnaires abolirent les usages religieux, déclarèrent biens nationaux tous les biens du clergé qui ne soient
pas des paroisses et les vendirent. De même tous les objets religieux pouvant servir à battre monnaie étaient fondus et réutilisés. Les ermitages, malgré
la popularité dont ils jouissaient auprès des populations locales, fut obligés de fermer. Notre Dame de Juhègues fut ainsi vendu en tant que bien
national.
Au début du XIXe siècle l'assouplissement des lois sur la religieux autorisa à nouveau la pratique des ermites (réouverture au culte en 1801). Mais
devenu moins fervent, ils n'assuraient plus la même fonction qu'avant. Proche de la population, ils s'étaient sécularisés, rendant la fonction moins
attrayante. Les communautés eurent de plus en plus de difficultés à trouver des ermites et Notre Dame de Juhègues finit par fermer définitivement.
A la fin du XXe siècle la mairie de Torreilles a réhabilité le site.