Mesure du méridien terrestre

1792 : L'épopée de la mesure du méridien terrestre commence en Roussillon


C'est une aventure fascinante qui se déroula à la fin du XVIIIe siècle dans la région. Tout commença avec la Révolution française et la rédaction des fameux "Cahiers de doléances". Chaque commune était invitée à y consigner ses doléances pour améliorer la vie des citoyens, souvent en remettant en question les pratiques de l'Ancien Régime. Une constante émergea : la nécessité d'avoir une unité de mesure commune pour tous. Afin d'uniformiser les unités de longueur, il fut décidé par décret, le 26 mars 1791, que cette unité serait la dix-millionième partie du quart du méridien terrestre et s'appellerait le mètre, dérivé du grec "metron", signifiant "mesure". Toute la difficulté résidait alors dans la mesure précise du méridien terrestre. Après quelques recherches, il fut décidé de mesurer une portion réelle de ce méridien, celle située entre Dunkerque et Barcelone. Deux astronomes de l'observatoire de Paris, Jean-Baptiste Delambre et Pierre Méchain, furent désignés pour accomplir cette immense tâche à partir de 1792.

Voir aussi : Cartes des triangulations.

Pour effectuer des mesures sur d'aussi longues distances, il est impossible de mesurer directement le sol. Non seulement cela aurait pris trop de temps, mais le relief, même minime, aurait biaisé les résultats. La méthode choisie fut donc celle de la triangulation, utilisée depuis l'Antiquité égyptienne.

Si l'on connaît deux angles et un côté d'un triangle, on peut en déduire, par calcul, les deux autres côtés.

Ce théorème signifie qu'en connaissant une longueur (la base) et deux angles, mesurés depuis des sommets, on peut calculer les autres côtés du triangle. En juxtaposant ces triangles les uns aux autres, on progresse le long d'une ligne droite. Cependant, cette méthode présente plusieurs défis, notamment la courbure terrestre. Les triangles sont parfaitement plans, alors que la surface terrestre est légèrement convexe. Il est donc nécessaire d'appliquer une formule mathématique pour ramener cette courbure théorique à une ligne au niveau de la mer. Dunkerque et Barcelone, toutes deux au niveau de la mer, furent choisies pour cette raison. Une autre difficulté résidait dans la mesure systématique des latitudes aux extrémités des portions de terrain, ce qui n'était pas évident à l'époque.

Concrètement, le méridien fut déterminé grâce à une succession de triangles dont les côtés étaient reliés. Pour cela, une base connue, appelée "distance de référence", devait être mesurée au sol. Cette base nécessitait un terrain plat, parfaitement rectiligne et suffisamment long pour permettre la mesure des angles d'un triangle imaginaire couvrant plusieurs kilomètres carrés. La première base fut située à Melun. Une seconde, nécessaire pour valider les mesures, fut établie en 1799 dans le Sud de la France, entre la patte d'oie au Vernet et Salses-le-Château. À l'époque, cette route était parfaitement rectiligne et mesurait exactement 11 706 mètres, déterminés à l'aide des "règles de Borda" de 3,898 mètres (2 toises) de long. Cela explique pourquoi les bornes visibles à Perpignan et à l'entrée de Salses ne se trouvent pas sur la méridienne de Paris : elles servaient uniquement de base de mesure.

Dotés de la base de Melun, puis de celle de Perpignan, nos deux astronomes purent commencer leurs travaux. Ils se séparèrent le 25 juin 1792 : Jean-Baptiste Delambre mesura la distance entre Dunkerque et Rodez, tandis que Pierre Méchain s’occupa de la portion entre Rodez et Barcelone. Cependant, dans le Roussillon, Méchain se heurta à la guerre de 1793, qui entrava considérablement ses progrès. Malgré les obstacles, les deux astronomes se retrouvèrent en novembre 1798 après avoir achevé leurs travaux. Méchain souhaita poursuivre jusqu’aux îles Baléares, mais il mourut avant d’avoir pu terminer cette tâche. Il fut remplacé par François Arago, qui dut affronter des conditions encore plus difficiles, notamment en raison de l’invasion de l’Espagne par Napoléon.

À l’issue de cette aventure, les Français connurent la longueur du quart du méridien terrestre. Les cartes qu’ils élaborèrent sont visibles ici. Ils en déduisirent le mètre et créèrent ainsi le système métrique, adopté en France en 1799, puis progressivement dans d’autres pays. De nos jours, le mètre est défini autrement : c’est la longueur du trajet parcouru dans le vide par la lumière pendant une durée de 1/299 792 458e de seconde. Une définition bien moins poétique, mais infiniment plus précise !

Quant à nos deux astronomes, l’histoire ne les a pas oubliés. Ils sont encore représentés aujourd’hui sur le dessin en trompe-l’œil de la patte d’oie, accoudés à un balcon, avec des instruments de mesure à leurs pieds. Pour finir, saviez-vous que notre département possède une troisième borne de mesure ? Elle se trouve sur la route menant de Perpignan à Peyrestortes, sur la gauche, près de l’aéroport. Bien qu’elle soit purement commémorative, elle marque l’azimut de Força-Réal. Érigée par le ministère de la Guerre en 1891, cette borne commémore les nouvelles mesures effectuées cette année-là par l’armée (+ d’infos).


Définitivement intégré à la France, le Roussillon subit en 1793 une dernière guerre locale : la guerre contre les Espagnols. C’est l’objet du dossier suivant.



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