Origine du conflit
Depuis 1659, le traité des Pyrénées a divisé la Catalogne en deux. Les habitants du Roussillon, du Conflent et de la Cerdagne sont restés en grande partie du côté de l'Espagne, où leurs compatriotes étaient les plus nombreux (à cette époque, la Catalogne représentait une identité plus forte que celle de pays).
La révolution a profondément affaibli la France. Les différents régimes politiques et luttes de pouvoir remettent en cause l'unité du pays. De plus, les armées sont désorganisées, et le pouvoir est disputé entre plusieurs factions. La situation devient donc favorable à une invasion armée des comtés nord-catalans, l'opposition ne devant pas être trop forte.
À partir de mai 1792, des rumeurs d'invasion espagnole circulent en France, mais la situation étant trop instable, peu d'attention y est portée. L'ambassadeur de France en Espagne écrit le 19 octobre aux autorités locales : "Les dispositions de l'Espagne à l'égard de la France sont malveillantes, peut-être, mais éloignées de se manifester par des hostilités". Le 21 janvier 1793, l'exécution de Louis XVI met fin à la royauté, marquant ainsi le début de l'invasion espagnole.
Stratégies appliquées
Heureusement pour la France, les troupes espagnoles ne s'étaient pas encore adaptées aux guerres "modernes". Héritée des XVIe et XVIIe siècles, leur stratégie militaire était axée sur la défense. Les invasions éclair n'ayant pas été efficaces dans ce contexte, l'armée espagnole n'a pas osé avancer sans être assurée de ses arrières, contrairement aux tactiques françaises, notamment sous Napoléon, qui privilégiaient des pénétrations profondes jusqu'à ce que l'opposition soit trop forte pour progresser.
Anticipant la crise, la France crée une "armée des Pyrénées-Orientales", mais selon le maire de Perpignan, Lucia, elle n'est "qu'une montre sans ressort". Pendant ce temps, l'armée espagnole se regroupe derrière les Pyrénées. Devançant l'invasion, la Convention déclare la guerre à l'Espagne en 1793. Le 17 avril 1793, le roi d'Espagne, Charles IV, lance ses troupes sur la Cerdagne et le Roussillon, qui vont devenir les théâtres d'une succession de batailles où chaque village souffrira.
Du côté espagnol, le roi confie le commandement de l'armée au général Antonio Ricardos Carillo. Sa stratégie visait avant tout à faire passer son armée de l'autre côté des Pyrénées, les hauts cols rendant une invasion surprise difficile. Il choisit donc de mener deux diversions : la première en Vallespir, puis une autre en Cerdagne.
L'avancée foudroyante des Espagnols
Le 17 avril 1793, le général Ricardos, à la tête d'une armée bien préparée, franchit les Pyrénées par le col de Saint-Laurent-de-Cerdans. Relativement à l'aise dans ces montagnes escarpées, il progresse rapidement, se rendant maître de la vallée du Tech, avant de descendre vers le Boulou et Maureillas. Face à cette avancée, la Convention lance un appel à la population locale : en un rien de temps, 10 000 hommes sont recrutés pour défendre leur territoire, placés sous les ordres des généraux de Flers, Grandpré, Solbeauclair et Dagobert.
Le général Dagobert installe son quartier général à Banyuls-dels-Aspres et reprend les Albères. Les forces espagnoles se replient à Montesquieu-des-Albères, où un face-à-face s'engage, chaque camp reprenant du terrain petit à petit. Le 1er mai, le général Ricardos lance la grande bataille du Boulou.
Le passage suivant est extrait du livre "L'Histoire du Roussillon" de J. Calmette et P. Vidal.
Dès 4 heures du matin, les Français remontent simultanément les deux rives du Tech. Les batteries espagnoles sont enlevées par le général Lemoine, tandis que le général Quesnel, avec ses cavaliers, prend les équipages en tête. Le général La Barra, franchissant le pont de Céret dont Augereau a ouvert le passage, tombe ainsi sur l'arrière de l'ennemi.
La déroute est totale pour le camp espagnol : cavaliers et fantassins ne songent qu'à fuir. Le général espagnol, De la Unión, laisse entre les mains de Dugommier 2 500 prisonniers, 140 pièces de canon, 800 mulets chargés de bagages et d'effets de camp pour 20 000 hommes.
Le 9 mai, Sorède et Laroque-des-Albères tombent aux mains des ennemis. Toutes les forces françaises du secteur se replient sur Collioure et, plus généralement, tentent de conserver la côte rocheuse, au risque de couper leurs voies de communication terrestres. Le général Dugommier détache 14 000 hommes pour prendre les hauteurs du fort Saint-Elme, Port-Vendres et Banyuls-sur-Mer. Le 22 mai, Collioure est encerclé. Le lendemain, la ville envoie un appel aux vivres à Narbonne et fait l'état de ses réserves en prévision d'un siège.
Le 23 mai, le maréchal de camp espagnol Crespo parvient à faire tomber Argelès-sur-Mer avec 3 000 hommes, 240 chevaux et 10 pièces d'artillerie. En conséquence, Elne capitule également. Arles-sur-Tech se rend à la fin du mois de mai avec 340 hommes. Le fort Lagarde capitule rapidement, faute d'eau, livrant 250 soldats à l'ennemi.
Le 31 mai, les Espagnols comptent 9 000 hommes dans la plaine, 6 000 au fort de Bellegarde, 3 000 dans la basse plaine du Tech à Argelès et 2 000 dans le Haut Vallespir. Collioure reçoit de l'aide alimentaire (blé) le 10 juin, puis d'autres vivres et des munitions le 19. Le 21 juin, la vigie du fort Saint-Elme signale cinq vaisseaux au large du Cap Creus.
Le fort de Bellegarde montre des signes de faiblesse. Pour accélérer sa prise, Ricardos ordonne un bombardement massif. Un déluge de 30 000 boulets, bombes et grenades s'abat sur la citadelle, qui capitule le 26 juin. Elle sera reprise le 18 septembre par le général Augereau. Les Espagnols prennent également le contrôle du passage du Perthus.