Eus est un charmant village du Bas-Conflent, peu avant Prades. Il est connu pour être le village le plus ensoleillé de France, celui qui reçoit le plus de jour de Soleil chaque année. Il y a probablement des études scientifiques pour le prouver, mais qu'elles n'ont peut être pas été réactualisées si fréquemment que ça. Encore qu'on est prêt à les croire, car la position du village est telle qu'elle absorbe le Soleil toute la journée, et son emplacement, sur la face Sud de la vallée de la Têt plaide en la véracité de cet ensoleillement.
Le village lui-même est plutôt agréable, avec de nombreuses petites rues qui suivent la courbe de la montagne. Il y a beaucoup de fleurs, les maisons sont plutôt bien entretenues, extérieurement. Mais on sent qu'il y a peu de moyens dans la ville, le mobilier urbain, les aménagements ne sont pas parfaitement au point, bien qu'un effort évident soit régulièremlent fait. Eus est un joli village à deux pas de Prades, la sous-préfecture.
Un petit texte personnel sur Eus
Ce texte a été écrit par Mme Catherine Argence, il explique avec passion une tranche de vie dans ce village du Conflent qu'est Eus. Il parle d'une personnalité du village, un certain Jean, qui sert de fil conducteur à ces récits. Voici ce texte, tel qu'il m'a été fourni.
J'ai entendu de très nombreuses anecdotes sur l´histoire d'Eus. La mémoire vivante de ce village est Jean, ancien berger, fou de ce village. Quand il s´y est installé, il est allé rencontrer les anciens aujourd´hui disparus, et a longuement interrogé leurs mémoires. Aujourd´hui, inlassablement, tant qu´il en a l´énergie, il fait visiter ce village aux très nombreux visiteurs qui s´y présentent. Il fait cela avec beaucoup d´amour et de générosité.
Il vous racontera par exemple comment l´église Saint Vincent du Haut a été construite, par les habitants du village. Les plus riches ont offert de l´argent. Ils n´étaient pas bien nombreux. Les plus pauvres ont offert des journées de travail. Les hommes montaient les murs, les femmes transportaient les pierres (environ 150 kg chaque pierre), les enfants et les femmes les moins vigoureuses amenaient des paniers de terre pour monter à l´intérieur des murs un échafaudage naturel. La terre ensuite retirée a été rejetée vers l´arrière du village, sur un site qui en garde encore la trace. Jean vous expliquera par quelle technique les pierres étaient déplacées, dans des efforts tels que de nombreux bébés alors n'ont pu voir le jour.
Les autres anecdotes que je connais sont de traditions familiales. Je pourrais ainsi vous parler des loups, vers 1860, qui interrompaient le travail des bûcherons (venus travailler avec leurs enfants, ils les hissaient dans un arbre pour les mettre à l´abri tandis que les loups dévoraient le pauvre repas. Ils faisaient ensuite jurer aux petits de ne pas révéler cela à leur maman, par crainte de l'inquiéter, tant pour leur insécurité que pour le repas perdu).
Je pourrais aussi vous dire l´exploitation du travail alors : dans les travaux de la terre, dans ce village majoritairement habité par des brassiers, seuls les hommes étaient payés. Les femmes et les enfants étaient rétribués en nature, par des paniers de légumes abîmés. Rentrés à la maison, les femmes triaient, cuisinaient ce qui était le plus périssable, et vendaient le reste au marché de Prades qu´elles rejoignaient à pied, leur panier calé sur la tête dans une allure altière, mais dans des conditions si difficiles... Un enfant ou deux à leur côté portait la cruche d´eau. Arrivées à l´entrée du pont, elles posaient leur fardeau, se rafraîchissaient, s´épongeaient de leur foulard, et reprenaient la route. Si elles réussissaient à vendre leurs maigres marchandises, elles achetaient du fil blanc (le fil noir était réalisé en le frottant sur le fond de la poêle en contact avec la cheminée) et des aiguilles, de quoi ravauder les vêtements de leurs très nombreuses familles (souvent de 10 à 14 enfants par foyer).
La mémoire est fugace, et ceux qui la détiennent, éphémères. Il est très important d´écrire tout ce que nous avons la chance d´apprendre, pour transmettre cette mémoire à nos enfants. Le cours de l´existence est changé lorsque l´on sait d´où l´on vient. Chaque évènement, chaque bien acquis, chaque personne rencontrée, prennent alors une valeur inestimable et juste.
Si nous savons réajuster nos actes et nos pensées...
Très amicalement, Catherine