Histoire
Préhistoire
L'origine du site est sans conteste néolithique. Près des roches du "Rouquets" ont été retrouvé des silex taillés laissant supposer que l'endroit
était habité. Une hache polie a également été retrouvé, ce qui permet de préciser que le site était toujours occupé aux alentours de -2000, en plein
chalcolithique.
Féodalité
Ayguatébia est un village situé à plus de 1300m d'altitude, dans ce que l'on appelle les Garrotxes. Son territoire est assez étendu, il comprend un
hameau nommé "Les Pujals", constitué de métairies. Il était limité à l'Est par Talau et Moncles, au Sud par le pic de Portell,
Llar et Sauto, à l'Ouest par St Valentin de la Quillane au Nord par le pic
del Torn qui le sépare de Caudiès et Railleu.
L'église d'Ayguatébia
La première mention du village apparaît en 958 sous le nom Aquabeda, puis au XIe siècle sous le nom de paroisse d'Aquatepida, paroisse dont l'église
est dédié à St Félix et St Ermengol. Curieusement le village possédait une 2e église, épiscopale celle-là, lié au chapitre d'Urgel et dédiée à Ste Marie
et St Ermengol. D'après ces anciens documents il semble donc qu'Ayguatébia dépendait spirituellement au chapitre d'Urgel. A cette lointaine époque les
deux églises appartenaient avec ses dîmes et deux importants alleux aux héritiers de la vicomtesse Gisèle et de sa fille Gerberge. L'un d'entre eux céda
ses droits à Palencia (en Castille) par testament. Il mourut au cours d'une expédition contre les sarrasins. En 1072 ses camarades vinrent témoigner de
ses dispositions verbales et présence du comte Guillaume et de sa cour à Corneilla de Conflent.
Les droits de hautes et moyennes justices appartenaient au roi d'Aragon en 1322. Jacques II de Majorque s'en dessaisit le 29 août 1343 au profit du
comte d'Evol, qui obtient les droits de justice d'Ayguatébia et son château (une "Cellera") de Puig-alt. Ceci amène deux remarques : Tout d'abord, ce
droit lui permettait d'enrôler de force des soldats parmi la population, ces derniers avaient donc perdu en liberté dans l'opération. D'autre part on a
la mention du château d'Ayguatébia et sa localisation, château désormais disparu de nos jours.
Les pouvoirs de justice d'Ayguatébia du vicomte d'Evol, Jean de So, furent confirmés en 1383, puis furent cédés à nouveau le 7 novembre 1416 au chapitre
d'Urgel qui les conserva jusqu'en 1789, lors de la révolution française. Durant le XIVe siècle, le village subit de plein fouet la famine et la peste, puis
de 1335 à 1347 une série de disettes se succédèrent, enfin en 1348 eu lieu la peste noire, qui décima une grande partie du village.
En 1771 le chapitre affermait "les censives, droits de lods et de cabaret, les fruits de la dîme, blé, laine, agneaux et de toutes choses dont il est
accoutumé de payer la dîme, tant en droit qu'en coutume", cela pour 1114 livres 4 sols. En 1788 elles valaient 1423 livres. Le moulin banal était une
propriété des habitants pour un coût de 4 mesures de seigle. Les consuls l'affermèrent en 1759 pour 264 livres. Ces entrées d'argent permettaient à la
population de vivre correctement de la vente d'ovins, de la coupe du bois et des pacages nombreux que l'on trouvaient sur le territoire de la commune. Il
y avait même un moulin drapier.
Le 25 mars 1438 eu lieu un évènement exceptionnel : le bornage de la commun par des pilons de pierre fixés à la chaux. Ce jour là Bernard Cadell,
viguier de Conflent et de Capcir adressa des lettres de convocation :
Als reverents mossen labat del Monestir de Sant-Miquel de Cuxa, senyor dels llochs de la Quilana y de Talau, e mossen labat
de Sant-Marti de Canigo, senyor del lloch de Bordull, e als honors mossen Berenguer d'Oms, senyor del lloch de Arraleu, e mossen
joan-Perre Fahena, donzell, senyor del lloch de Calders.
Ils étaient tous convoqués le 22 août 1438 et parcoururent la commune pour l'implantation des bornes. Evidemment, il y eu beaucoup de contestations.
Un procès eu même lieu avec les habitants de Llar et Sauto, lésés durant l'opération. Le consistoire du Roussillon déclara le 1er juin 1628 que la
montagne de Clavéra était pasquier royal et ordonna une nouvelle délimitation qui fut faite le 26 septembre 1643. Or ces pasquiers royaux étaient tenus
en indivis par le roi et le prieur de Corneilla. Ce dernier céda le 12 mars 1669 à la communauté d'Ayguatébia sa part de pasquiers de la montagne de
Clavéra en bail emphytéotique la portion comprise entre Oreilla à l'Est, Moncles, Llar et Sauto au Sud, Les Cortals et St Valentin de la Quillane à l'Ouest
et Caudiès, Railleu et Bordull au Nord. Il se réservait toutefois un droit de passage pour ses propres troupeaux, le tout contre un cens de 5 mesures
d'avoine et un droit d'entrée de 20 doubles d'or.
Le 31 décembre 1670 c'est le roi qui fit de même pour une demi-charge d'avoine et un droit d'entrée de 25 doubles d'or. L'histoire ne s'arrêta pas pour
autant car la communauté de Sauto prétendit avoir un droit d'usage sur la foret de Clavera. Le 6 mai 1685 le conseil souverain le leur donna. Par ailleurs
la chapitre d'Urgel a cédé en 1702 aux habitants la "coma de Clavéra" une partie forestière de la montagne qui leur appartenait toujours.
Les criées générales du 2 juin 1779 ont déclarés les habitants d'Ayguatébia usagers des bois et forêts du chapitre d'Urgel, il était défendu d'y introduire
des chèvres. L'interdiction de chasse ou pêche était également établie, sauf pour les habitants. La révolution fit que les biens du clergé furent déclarés
biens nationaux. Malgré la protestation des habitants, en l'an VI des arbres furent coupés et des pâturages furent à nouveau affermés sur Clavéra sans
autorisation des habitants. Le 3 septembre 1825 la commune de Sauto réclama à nouveau des droits d'usage, mais le village fut débouté.
Le village d'Ayguatébia
Le 21 juin 1831 le tribunal de Prades reconnut à la commune d'ayguatébia la pleine possession et jouissance de la montagne de Clavéra, mais le 14 avril
1834 la cour de Montpellier déclara au contraire l'Etat propriétaire des pasquiers sur la base de l'édit de 1566 qui indiquait le domaine comme étant
inaliénable, ainsi que sur les lois de 1790, 1792 et 1794 et sur celle du 14 ventôse an VII qui remettaient à l'Etat les possessions de la couronne de 1566.
Paroisse
Le curé d'Ayguatébia au XVIIe siècle officiait à Talau, Moncles, Caudiès, Tuévol et aux 3 forges mentionnées en 1615. Les habitants ressentirent peut
être plus que les autres populations du Conflent les effets des guerres entre Français et Espagnols (XVe siècle), puis entre catholiques et protestants
(XVIIe siècle). Les registres mentionnent comme une longue traînée d'assassinats d'abord à la dague avant 1620, ensuite à l'escopette jusqu'en 1680.
En 1661 eu lieu un différent entre les habitants d'Ayguatébia et d'Oreilla au sujet des droits de pacage. Le viguier Marsal se déplaça accompagné d'un
notaire et d'un serviteur. Mais la rencontre s'envenima et les protagonistes en vinrent aux mains. Le notaire et le serviteur furent tués, mais heureusement
le viguier put fuir. Voici le texte d'origine relatant l'évènement.
15 mars 1661, homicide de Miquel Lafltxa, lo qual mori de una escopetada en la bréga al bach de la Cortalassa, terme de Orella,
ahont mataren tambe lo notàri qua anàva en companya del veguer Marsal, y mataren tambe lo criat de dit verguer
Le 7 février 1673 les français en eurent assez de ses violences. Ils brûlèrent le village aux cris de "Cremàren tot Aiguatebia y tambe la rectoria !".
L'église fut donc brûlée aussi, elle sera reconstruite en 1693. Le clocher date du 1706. Dans les années qui ont suivi, la guerre de 14-18 fit des ravages.
(15 jeunes y moururent) Le village se dépeupla d'un coup. Les veuves allèrent se remarier dans d'autres communes, délaissant leur village. En 1836 on
comptait encore 706 habitants, puis 530 en 1901, 36 en 1982, 45 en 1990 et enfin 46 en l'an 2000.
Les deux communes d'Ayguatéba et Talau se sont unies en 1982.