Histoire
La base d'hydravions de Saint-Laurent-de-la-Salanque constitue un élément important du patrimoine de la ville. Son histoire est particulièrement intéressante car elle est étroitement liée au développement aéronautique local.
Cette histoire commence en 1924. Depuis le début du XXᵉ siècle, les premiers aviateurs réalisaient déjà de véritables exploits en volant avec des aéronefs plus lourds que l'air — et non avec des montgolfières ou des dirigeables — transportant des passagers ou des biens d’un point à un autre de plus en plus rapidement. À Perpignan, des voix s'élevèrent contre l’absence d’« escale aérienne » et, suite à ces protestations, la ville se dota d’un aérodrome. Par la suite, des industriels, souvent eux-mêmes pilotes, prirent l’initiative et l’aventure aéronautique démarra. Parmi eux, Pierre-Georges Latécoère s’illustra particulièrement en Roussillon.
Latécoère eut besoin d’une base aérienne pour mettre au point ses hydravions. Il fallait choisir un étang adapté, et les vents du Sud — Tramontane et Marinade — étaient idéaux pour les essais. Son choix se porta donc naturellement sur l’étang de Salses.
La construction de la base commença en 1924 et elle fut mise en service en 1927. Baptisée « L'escale », elle fut utilisée jusqu’en 1937. Jean Mermoz y effectua des essais à bord d’un hydravion nommé « Laté 28-3 Comte de Vaulx ». La base était très active : de nombreux hangars accueillaient pilotes et mécaniciens. « L'escale » s’étendait sur 45 hectares et comprenait des hangars, une station météorologique, une poste TSF, des bureaux et même des logements pour le mécanicien et le gardien. Au total, 35 personnes y travaillaient, entre mécaniciens et menuisiers. Les hydravions, construits par les ateliers Latécoère de Toulouse, étaient transportés en pièces détachées et remontés sur place. Ils effectuaient leurs essais sur l’étang avant de rejoindre leur base à Marseille.
Un essai complet d’un hydravion nécessitait 25 jours. Une jetée de 7 m sur 130 m s’avançait sur l’étang, équipée d’une grue de 7 m de haut capable de soulever 15 tonnes. Huit hydravions furent testés, notamment par Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry. Malheureusement, deux accidents mortels survinrent : le 3 avril 1930 et le 16 mars 1933, causant quatre décès au total. Voici quelques-uns des appareils testés :
- 1926 : Achille Anderlin prend les commandes d’un Laté 21
- Novembre 1927 : test d’un Laté 24
- Mars 1928 : premier essai du Laté 32, utilisé sur la ligne Marseille-Alger
- Laté 28 et Laté 38 testés à Saint-Laurent
- Mars 1930 : Jean Mermoz prépare son brevet de pilote d’hydravion
- 1936 : Antoine de Saint-Exupéry s’entraîne au pilotage d’avions de gros tonnage
- 1936 : test du Laté 298-01, dernier hydravion envoyé à la base
En 1937, l’activité prit fin brutalement. Air France ayant repris la main, elle confia la base d’hydravions à l’armée française pour entraîner ses pilotes. La base fut abandonnée le 3 septembre 1939 à cause de la guerre. En novembre 1942, elle servit aux Allemands pour faire décoller un hydravion de surveillance, patrouillant entre Leucate et Cerbère. Le 13 août 1944, la Royal Air Force attaqua les installations, détruisant la plupart des hangars. Les Allemands quittèrent le site en faisant sauter la grue et le hangar restant.
Par la suite, la base d’hydravions fut abandonnée. Elle est aujourd’hui un terrain militaire en friche.