Histoire
Origine
Toulouges possède une histoire ancienne : il s’agissait très probablement d’une villa romaine dont le propriétaire avait mis en valeur les terres environnantes. Peu à peu, d’autres villas se sont implantées à proximité, formant ainsi l’embryon d’un village. Ce mode de création n’est pas inédit, puisqu’on le retrouve dans des localités comme Pia, Brouilla, etc.
La première mention écrite du lieu remonte à l’an 908. Il s’agit d’un diplôme de Charles le Chauve confirmant à l’abbaye de La Grasse la possession des terres de Tulugis. Un second document, daté de 937, mentionne un échange entre l’évêque Wallade et un nommé Auzila, portant sur un alleu à Elne et une maison à Tologis. Un autre acte de 955 relate un échange entre l’évêque Riulfe et Contégogus, ce dernier recevant un champ à Elne contre une terre « in villa Tologias ».
En 1119, l’église de Toulouges appartenait toujours à l’abbaye de La Grasse. Elle avait entretemps été reconstruite, probablement au XIe siècle. L’édifice initial comprenait une nef unique et une abside outrepassée, typique du premier art roman. Couvert d’une charpente en bois, l’édifice fut voûté en berceau au XIIe siècle, ce qui nécessita le renforcement des murs gouttereaux par de grands arcs. Le principal attrait de l’église réside dans son portail, richement décoré de marbre blanc.
La Trêve de Dieu
La fin du Xe siècle fut marquée par des luttes violentes entre seigneurs locaux, chacun convoitant les terres de son voisin. Le pouvoir central, trop éloigné et affaibli, restait impuissant à rétablir l’ordre.
Face à cette anarchie, l’Église tenta d’instaurer des périodes de paix : les Trêves de Dieu. Ces mesures visaient à restreindre la violence, en particulier autour des lieux sacrés souvent pillés. Des conciles furent organisés à Charroux (989), au Puy-en-Velay (990) et à Poitiers (1000), sans grand succès.
Mais en 1027, alors que l’évêque d’Elne se trouvait en pèlerinage en Terre Sainte, Oliba, abbé de Ripoll et de Cuxa, fut nommé administrateur de l’évêché. Il convoqua un synode à Toulouges le 16 mai 1027. Ce concile fut décisif, car il réunit toutes les grandes figures de la région : l’archevêque de Narbonne, les évêques de Gérone, les comtes de Roussillon, d’Empúries, de Cerdagne, Guillaume de Besalú, le vicomte de Castellnou, etc.
Ce jour-là fut adoptée une règle de conduite : du samedi à l’heure de none jusqu’au lundi à prime, il était interdit de commettre toute violence dans les églises, cimetières, et lieux consacrés ; d’attaquer clercs, moines ou fidèles se rendant à l’office ou en revenant ; ou encore de porter atteinte à autrui dans un périmètre de 30 pas autour des édifices religieux.
En 1065, un concile mixte étendit la Trêve de Dieu de 52 à 319 jours par an. Cette mesure fut d’une grande portée sociale et religieuse à l’époque féodale.
Toulouges et les Templiers
Le XIIe siècle voit l’arrivée des Templiers en Roussillon. Ils fondèrent leur commanderie au Mas Deu, près de Trouillas, et acquièrent progressivement des terres, d’abord par donations, puis par achats, ainsi que les droits sur les populations qui y vivaient. Toulouges, proche de la commanderie, faisait partie de leurs possessions.
En 1146, les Templiers reçoivent des terres situées sur les territoires de Canohès et de Toulouges. En 1153, Arnaud de Montescot fait une donation à Arnaud de Saint-Cyprien, alors précepteur du Mas Deu. En 1271, les Templiers achètent la dîme de Toulouges à Bernard d’Oms.
En 1277, Raymond de Bac, nouveau précepteur, échange tous les biens de Toulouges (à l’exception de la dîme) avec l’abbaye Saint-Pierre de Camprodon contre des terres situées à Orles et à Mailloles, afin de regrouper leurs possessions.
Évolution du village
Pendant le Moyen Âge, Toulouges fut fortifié. On ignore la date exacte de la construction de l’enceinte, mais elle existait déjà en 1345. À l’intérieur se trouvaient les habitations, l’église et son cimetière, une criée (lieu de vente aux enchères), plusieurs moulins, et un hôpital attesté dès 1436.
En 1355, le village comptait 14 foyers, soit 14 familles, ce qui en faisait une petite communauté, même pour l’époque. On y cultivait orge, maïs, blé, vignes et oliviers, ces derniers étant particulièrement protégés.
Le village était initialement administré par un bailli, assisté d’un conseil de notables appelés prud’hommes. Le régime consulaire fut instauré officiellement en 1273 dans toute la région, bien que des traces de ce fonctionnement apparaissent dès 1197 à Perpignan. Les consuls, élus à la Saint-Jean, veillaient à la sécurité, à la gestion des impôts et à l’ordre public. Un document du 2 octobre 1609 atteste que les consuls convoquèrent les habitants pour leur conférer le droit de lever l’impôt, conjointement avec le bailli.
En 1628, Toulouges fut touché par une épidémie de peste qui décima une partie importante de sa population.
En 1635, Louis XIII déclare la guerre à Philippe IV d’Espagne. Le 26 octobre 1637, les habitants de Toulouges reçoivent l’autorisation de porter des armes pour se défendre contre les troupes françaises. Cette guerre ruina le village à deux reprises, en 1640 et 1641.
À la Révolution, les habitants de Toulouges se montrèrent plutôt calmes, comparés à ceux d’autres localités. Raymond de Saint-Sauveur, dernier intendant du Roussillon, écrivait le 28 juillet 1789 que Toulouges était « l’un des villages les plus tranquilles ».
Le forage artésien
Le 27 mars 1829, à Toulouges, M. Fraisse, employé de la Société royale d’agriculture, détermine l’emplacement du premier forage profond du département. Le 15 juin suivant, il atteint la profondeur de 41 mètres. L’eau jaillit alors à 1,50 mètre au-dessus du sol, à raison de 1,4 m3 par heure. Ce fut le début de l’irrigation moderne du Roussillon par forages artésiens.