Un retable est une pièce architecturale décorative à vocation religieuse. Fabriqués pour les églises, ils sont placés en fond de chapelle. Le retable principal de l'église, mis au fond du chœur, est appelé retable du maitre-autel.
Le Roussillon et la Cerdagne possèdent énormément de retables, pour la plupart tous encore à leurs places. Apparus durant le XIIe siècle, ils sont toujours fabriqués de nos jours. On les classe en 4 catégories en fonction de leur époque : le retable roman, le gothique, le renaissance et le baroque.
Le retable roman
Il s'agit en fait d'un pré-retable. Entre l'invasion carolingienne marquant le retour la foi chrétienne dans la région et la fin de la période romane (VIIIe-XIIe siècle) les églises ne possédaient pas d'autres décors que les sculptures sur pierre.
Au douzième siècle apparut l'antependium, un décor peint se plaçant à l'avant de l'autel. Il a une forme rectangulaire horizontale. Les peintures narrent des épisodes religieux et servent de support au prêtre. De telle pièce se trouvent encore dans les églises de montagne : Celle de La Llagonne ou celle d'Angoustrine en conservent un dans leurs murs.
A partir du XIIIe siècle les techniques décoratives s'enrichissent. L'antépendium évolue, s'agrandit et se place à l'arrière de l'autel. Il s'agit alors de la toute première forme de retable. Le premier exemple d'un tel objet est le petit retable d'Angoustrine. Daté du début du XIIIe siècle, il est composé d'un baldaquin abritant la statue de la Vierge et de deux panneaux latéraux peints.
On voit également à cette époque des panneaux peints érigés sur l'autel lui-même, légèrement en retrait. Cette mise en scène impose aux prêtres de commander des objets plus haut que large. Sur ces nouveaux modèles les peintures sont stéréotypées : La partie centrale est occupée par la figure de dévotion et de part et d'autre on trouve des scènes narratives. Le retable de la crucifixion de Serdinya, daté de 1342, en est un bon exemple.
Le retable gothique
C'est à partir de la seconde moitié du XIVe siècle que le retable va réellement évoluer. Il va tout d'abord gagner en hauteur. La place ainsi libérée permet des décors plus complexe. Les panneaux peints sont compartimentés, ils sont encadrés (on appelle ces encadrements des guardapois). Le retable de Ste Marthe à Iravals, (attribué à Destorrents) est un exemple de retable gothique ancien.
Voyons tout d'abord le soubassement. Il est composé d'une prédelle de cinq compartiments de mêmes tailles. La représentation centrale est systématiquement le Christ de pitié.
Sur la partie supérieur, le modèle tripartite est la norme. Le principe est figure emblématique au centre et les scènes narratives sur les côtés sera conservé du XVe siècle et au milieu du XVIe. Le retable gothique à des panneaux peints, sa travée centrale est plus haute et plus large, divisée en deux parties : dans celle du bas, plus haute, figure l'image de dévotion, alors que dans celle du haut est représentée la crucifixion. Les travées latérales sont divisées en deux ou trois espaces peintes avec des scènes narratives. Les travées sont séparées par des moulures ou des colonnettes décorées de motifs architecturaux.
Dans la première moitié du XVe siècle, les fonds sont dorés à l'or pur, mais le coût engendré est tellement élevé que par la suite on ne l'a employé que pour les parties stuquées et les reliefs.
Le retable renaissance
A partir du XVIe siècle la forme des retable change. Devenant encore plus grand, il commence à faire la place à la statuaire. La scène représentée sur la partie centrale n'est plus qu'un décor, le sujet principal n'est plus peint : c'est une statue. Il n'y a plus ni décors sculptés, ni pinacles (pointes décorées s'élevant vers le ciel). Les artisans privilégient les colonnes ayant un fût à pointes de diamant ou avec des arabesques. Le haut de la colonne est cannelé.
Cette évolution naturelle sera relativement brève car dès le milieu du XVIIe siècle paraissent les retables baroques, prolongements naturels d'une société excessive.
Le retable baroque
Le XVIIe siècle sera marqué par un renouveau religieux intense. Politiquement le Roussillon est pris dans la tourmente de la guerre franco-espagnole (guerre de 30 ans) qui ne s'achèvera qu'avec la signature du traité des Pyrénées en 1659. Cette situation pousse la population à se retourner vers la religion. Cette période va multiplier les commandes de retables dans toute la région avec plus de 800 pièces fabriquées.
Le premier âge baroque (de 1644 à 1675) se caractérise par le retour des bas-reliefs. Des statues en rond de bosse remplacent les panneaux peints. Globalement le retable devient le mobilier principal de l'église, il la caractérise de façon unique. La forme générale en triptyque est toujours la norme, les travées verticales sont séparées par des colonnes ou des pilastres. C'est à cette époque que l'on voit des anges apparaîtrent, on les doit au célèbre Louis Générés.
Le deuxième âge baroque (de 1675 à 1720) surcharge le retable. C'est de cette époque que date les retables lourds de décoration, avec une statuaire riche et des couleurs éclatantes. Entre autres modifications, les colonnes deviennent torsadées, se qui caractérisent bien la 2e période baroque.
Par la suite, après 1720, l'art baroque se poursuit en poursuivant son évolution. Le marbre est introduit, mais les commandes ne suivent pas. L'idée est alors abandonnée et le bois reste le principal matériel.
La fin des ateliers
A partir du XVIIIe siècle s'opère un retour aux sources. Les formes des retables se simplifient. On voit apparaît un style néoclassique, d'une architecture plus lisse et moins tape-à-l'œil. Puis au début du XXe siècle l'industrialisation fait naître le retable produit en série. A partir de là toutes les formes et tous les styles deviennent réalisables, on ne peut plus parler de style de retable contemporain.
Les sculpteurs
A chaque période ses artisans ! Malheureusement pour l'histoire, les premiers sculpteurs n'ont pas signés leurs œuvres, ou du moins ils n'avaient pas conscience de l'importance de leurs œuvres à travers les âges. On n'a donc aucune information sur ses artisans de la période romane ou gothique. Tout au plus signalons le nom de Pere Baro, peintre durant le XIVe siècle.
Mais à partir du XVIe siècle les artisans travaillent avec un atelier, c'est à dire un groupe d'apprentis ou sculpteurs de métier. L'importance du maître est alors directement proportionnel à son atelier, et il nous reste des traces de ses personnes.
Le premier connu est Antoine Peytavi, originaire de Toulouges. Peintre, il exerce ses talents de 1562 à 1592. Il sera suivi dans cet art par Horace Rigaud puis Barthélémy Gonzalez. Suivront encore Antoine Marti et d'autres artisans. Rappelons que le peintre était l'artisan principal pendant la période renaissance, il faisait aussi bien la peinture que la menuiserie.
A la période baroque, deux principaux sculpteurs vont émerger sur la scène catalane.
Lazare Trémullas qui, entre 1613 et 1654, réalise 35 retables pour les couvents de la région. Il est également l'auteur du retable de St François de Paule, dans la cathédrale de Perpignan, réalisé entre 1645 et 1657. Son fils lui succèdera mais n'aura pas une aussi grande influence. Trémullas le jeune, comme on l'appelait, fut l'auteur entre 1699 et 1703 du retable de l'Immaculé Conception également dans la cathédrale de Perpignan.
Louis Générés, originaire de Manresa, fut l'un des plus prolifique bâtisseur de retable de son temps en Roussillon. Reprenant l'œuvre de Trémullas, il termine le retable de St François de Paule en 1659. De 1671 à 1674, il réalise le plus grand retable actuellement visible en Roussillon. Placé dans l'église de Baixas, il est dédié à Notre-Dame de la Nativité. En 1679 il reçoit une commande pour un retable de la chapelle Notre Dame de Corbiac, près de Mosset. Puis de 1685 à 1687 il réalise le retable de St Gaudérique, à nouveau dans la cathédrale de Perpignan.
D'autres auteurs se révèleront. Le carcassonnais Mélau participera à l'évolution vers le deuxième âge baroque.
Il sera suivi par Joseph Sunyer, originaire de Manresa lui aussi. Il sera le premier à introduire les décors d'anges musiciens. Entre 1696 et 1699 il réalise le plus grand retable baroque de France. Il s'agissait d'une commande des consuls de Prades. St Pierre y est représenté, immense, habillé en pape, entouré de quatre tableaux en bois retraçant sa vie : la marche sur les eaux, la délivrance de St Pierre de la prison, la remise des clefs par Jésus, sa crucifixion la tête en bas. Ce retable comprend également une représentation des douze apôtres et de nombreux anges aux ailes déployées qui sonnent la trompette
Le 6 octobre 1698 Joseph Sunyer reçoit une commande pour faire le retable du maître autel de l'église Notre Dame des Anges, à Collioure. Puis en 1738 il réalise le retable du maître autel de la chapelle d'Hix.
Citons également Claude Perret, bourguignon d'origine, qui est l'auteur du retable du maître autel de la Cathédrale de Perpignan. Ce retable fut commencé en 1618.
Enfin au début du XVIIIe siècle, Cantayre et Navarre introduisent le retable à baldaquin. Ce dernier travailla en 1756 à la confection du retable de l'hospice d'Ille.
Les peintres
Le peintre a un rôle principal dans la construction du retable. C'est lui qui rend le bois vivant, qui fait ressortir la richesse de la sculpture. Voici quelques peintres de retables célèbres de la période gothique, avec leurs oeuvres.
Ramon Destorrents était peintre de la cour royale de Barcelone vers 1340-1360. Il introduisit dans toute la Catalogne la manière siennoise qui allait définir les traditions picturales durant plusieurs décades. Le profil que tracent les figures sur le plan vaut toujours par l'élégance de l'arabesque. De minces bordures claires suivent le mouvement harmonieux des riches étoffes qui se superpose au dessin des corps. Les visages sont modelés avec beaucoup de subtilité, la gamme du peintre est celle d'un enlumineur. Ramon Destorrents était d'ailleurs connu uniquement comme enlumineur avant l'attribution qui lui fut faite d'un certain nombre de retables, dont celui d'Iravals.
- Pierre Girona
- 1380 : retable de l'église de Pia
- 1386 : retable de l'église de Millas
- 1388 : retable de l'église de Théza
- François Ferrer
- 1398 : retable de l'église de Perpignan
- 1399 : retable de l'église de Camélas
- 1401 : retable de l'église St Mathieu (Perpignan)
- 1403: retable de l'église de Cabestany
- 1404 et 1406 : retable de l'église de Casenoves (Ille sur Têt)
- 1407 : peintures et poutres du château royal
- 1408 : retable de l'église de St Jacques de Canet
- Barthélémy Capdeville
- 1442 : décoration de l'église de Millas
- Barthélémy Vila
- 1418 : retable de l'église de Sournia
- Pierre Costa
- 1424 : retable de l'église de Cabestany
- 1426 : retable de l'église de St Jean de Perpignan, chapelle St Benoit
- Jaubert Gaucelm
- 1400 : retable de l'église de Rivesaltes (vie des Vierges)
- 1422 : retable de l'église de Céret
- 1426 : retable de l'église de Boule d'Amont
- André Fabrègues
- 1458 : retable de l'église de St André (Rivesaltes)
- 1463 : retable de l'église de St Jacques à Perpignan
- Pierre Primo
- 1465 : retable de l'église de St Sébastien d'Ille
- 1479 : retable de l'église de la chapelle royale
- 1493 : retable de l'église de Baixas
- Jean Fabrègues
- 1490 : retable de la chapelle St Dominique
- 1490 : peintures dans une chapelle de la cathédrale St Jean
- 1500 : retable de l'église de Torreilles
- Pierre Delmas
- 1490 : tabernacle de l'église de Claira
- 1491 : retable de l'église de Claira
Quelques retables de l'église St Pierre de Prades
L'église St Pierre, qui est l'église paroissiale de Prades, dispose de nombreux retables de grande qualité. Leurs uniformisations et leurs alignements, dans les chapelles latérales de la nef, en font des pièces majeures du baroque catalan en matière de menuiserie. En voici quelques-uns.
Retable de la Trinité
Retable du Rosaire
Notre-Dame du Mont Carmel
Retable de St Gaudérique
Retable de St Jean-Baptiste
Retable de St Louis de Gonzague