Origine
La production d'olives et de ses produits dérivés est une activité typique du pourtour méditerranéen. On retrouve de grandes plantations en Espagne, en Italie, en Grèce, dans les pays du Maghreb, et bien sûr dans le midi de la France. La Catalogne n'échappe pas à la règle, et les Pyrénées-Orientales ont connu des épisodes contrastés concernant cette production.
Nous n'avons pas de traces des premières cultures, aussi ne pouvons-nous pas connaître la raison de l'implantation des oliviers dans la région. Le texte le plus ancien dont nous disposons est de Cicéron, empereur romain, qui décrète au Ier siècle avant J.-C. que seuls les Romains ont le droit de cultiver la vigne et l'olive, tout cela pour donner plus de valeur à leurs terrains. Cela prouve l'implantation précoce de la culture oléicole dans la région. Il semble toutefois que la production d'olives ait été assez faible, plus pour une consommation personnelle que pour en faire un commerce avec les pays frontaliers. Elles servaient essentiellement à faire de l'huile, une denrée rare durant tout le Moyen Âge. Au fil du temps, les oléiculteurs s'organisèrent, et quelques grandes exploitations virent le jour au début du XXe siècle. L'export fonctionnait bien, l'agriculture entraînait l'industrie (il fallait mettre en conserve sur place la production). Hélas, peu à peu, nos voisins européens commencèrent eux aussi à exporter, ce qui entraîna un début de crise dû à la concurrence. Certaines exploitations fermèrent, et la taille des oliveraies diminua considérablement. Arriva alors l'hiver 1956.
L'hiver 1956
Au début de l'hiver, le département possédait encore 800 hectares d'oliviers, soit 150 000 arbres. Soudain, un froid terrible se répandit partout en Europe. Durant une vingtaine de jours, le thermomètre fut au plus bas, renforcé par une forte tramontane. Le mercure chute à -22 °C à Sauto. Le 3 février, le vent du Nord tempête : 150 km/h en pointe, avec jusqu'à 175 km/h au cap Béar. À Perpignan, un nouveau record de froid est établi : -10,2 °C à 6h30 du matin. Le lendemain, les Perpignanais découvrent que la Basse est gelée. Devant l'ampleur du froid, la municipalité annule le carnaval. L'économie globale de la région est mise à mal : les maraîchers perdent toute leur production. Le 15 février, les dégâts sont estimés à 2,5 milliards de francs (anciens). Le vignoble est largement atteint, tous les arbres fruitiers souffrent, et les agrumes voient leur tronc éclater sous le gel.
Sur les 150 000 oliviers existants, seulement 9 000 survécurent, 7 000 furent taillés, et 22 000 furent replantés. Le reste fut abandonné. Vu que les producteurs étrangers étaient déjà plus rentables que les Catalans, la culture des olives connut un coup d'arrêt et s'arrêta quasiment. Ce froid immense ne toucha bien sûr pas seulement les Pyrénées-Orientales. Sur l'ensemble des oliviers du pourtour méditerranéen, il y avait 12 millions d'oliviers. Deux millions sont morts du froid, et les autres durent être complètement taillés pour pouvoir repartir.
Le moulin à huile de Millas
Avant 1956, la quasi-totalité des olives était broyée pour en faire de l'huile, grâce à des moulins oléicoles. Il y en avait une dizaine dans la région : Argelès-sur-Mer, Trouillas, Llupia, Ille-sur-Têt, Collioure, Millas, etc. L'un d'eux, celui de Millas, fut créé en 1920.
Ce moulin est né dans un local commercial, une ancienne laverie datant de 1870. En 1941, il devient une coopérative oléicole, mais disparaît avec le gel en 1956. En 1976, quelques passionnés relancent cette activité à Millas, d'où la présence du moulin à huile actuel. Désireux de promouvoir l'identité culturelle du département, le Conseil Général des Pyrénées-Orientales soutient l'association en 1994, ce qui lui permet de lancer une production de masse. C'est aujourd'hui la seule coopérative oléicole du département, accompagnée de quatre autres moulins privés, témoignant de la renaissance de l'oléiculture catalane.
En 2000, "La Catalane", cette coopérative, avait produit 40 000 litres d'huile à partir de 175 tonnes d'olives traitées (entre 2000 et 2005). En 2006, il y avait 1 500 à 2 000 producteurs dans les Pyrénées-Orientales, dont une cinquantaine de professionnels ayant planté un total de 600 hectares, soit 109 000 arbres. Nous nous rapprochons ainsi du niveau de production d'avant ce fameux hiver 1956.