C'est un épisode tragique qui s'est déroulé dans le quartier Saint-Martin, à la limite du quartier Mailloles, ce 22 juillet 1970. De nos jours, l'endroit est un centre commercial au sud de Perpignan. Quelques commerces sont installés sur le site, qui ne laisse aujourd'hui pas imaginer qu'il fut autrefois le lieu d'implantation d'une impressionnante usine de stockage de gaz pour la ville.

Explosion de gaz à Perpignan en juillet 1970
L'histoire commence en 1844, lorsque la municipalité de Perpignan décide de remplacer l'éclairage public à base d'huile par du gaz naturel. Plus pratique et plus moderne, le gaz naturel nécessitait quelques aménagements importants dans l'urbanisme de la ville, dont la construction d'usines de stockage et l'établissement de conduites, qui étaient particulièrement visibles. Une première usine de stockage fut construite au bout de l'actuelle rue Cabrit, près de l'avenue de Grande-Bretagne. C'est pour y accéder qu'on fit percer la rue Lulli, baptisée ainsi depuis 1931. Avant, elle était connue sous l'appellation "Chemin du gaz". Ce dépôt initial, qui avait trois cuves, fut déplacé en 1917 près de la briqueterie Chefdebien, entre Saint-Martin et Mailloles. C'est ici que se déroula cette histoire qui marqua les Perpignanais pour longtemps.
Nous sommes donc le 22 juillet 1970, dans l'usine de stockage de Saint-Martin. Ce jour-là, une opération banale de transvasement de gaz d'une citerne de 45 tonnes installée sur un wagon (il y avait des voies de chemin de fer à cette époque) vers une cuve a lieu. Les ouvriers d'EDF-GDF aperçurent alors un flexible se rompre et projeter des fines gouttelettes de gaz dans l'atmosphère. Évidemment, ce mélange de gouttelettes et d'oxygène était très inflammable, et le débit, estimé ultérieurement à 8 kg de gaz par seconde, était de nature à provoquer un accident grave. Les secouristes furent aussitôt appelés, les pompiers arrivèrent également, et un cordon de sécurité fut établi.
L'étincelle arriva par un malheureux coup du destin, comme souvent : c'est au moment de l'accident qu'une locomotive de Chefdebien passa. Le diesel qui alimentait son moteur s'enflamma à cause du gaz répandu, et ce fut l'embrasement. La locomotive fut abandonnée par les deux cheminots, qui durent traverser une partie du gaz enflammé. Ils décédèrent malheureusement dans l'accident. Peu après, alors que les secours s'organisaient, la citerne du wagon explosa sous l'effet de la chaleur. Deux pompiers furent soufflés par l'explosion. Grièvement brûlés, ils furent pris en charge par les secouristes, qui les transportèrent à l'hôpital pour grands brûlés de Montpellier, où ils furent soignés. Le paysage de Perpignan évolua alors : une colonne de fumée s'éleva verticalement à 200 m d'altitude, puisqu'il faisait un jour sans vent, et elle était visible à 20 km à la ronde. Mais un problème grave apparut : le site possédait de nombreuses citernes de gaz qui risquaient d'exploser à leur tour si l'on ne parvenait pas à circonscrire le feu rapidement. Et on ne rigolait pas à ce moment : on parle de deux réservoirs de 100 m³, deux sphères de 500 m³, un réservoir de 4000 m³ et un super-réservoir de 10 000 m³ !
Deux gazomètres s'enflammèrent, provoquant un geyser de flammes sortant de leurs soupapes. Les pompiers s'activèrent et parvinrent à refroidir les citernes suffisamment pour éviter qu'elles n'explosent. Pendant ce temps, leurs collègues réussirent à éteindre un gazomètre, puis l'autre, et les différents foyers d'incendie furent circonscrits. Un cordon de sécurité encore plus grand fut mis en place. Les 400 m autour de l'usine furent complètement évacués, y compris la maison de retraite et les résidences de Saint-Martin.
Alors qu'au journal de 13 h on annonçait aucune mort et 25 blessés, la fin de la journée verra un bilan plus lourd être annoncé : 2 morts, 49 blessés dont 4 grièvement. 23 d'entre eux étaient de simples passants, victimes de l'explosion. Cette explosion a fait de nombreux dégâts dans le quartier : les vitres furent soufflées, les infrastructures légères détruites, et même les vitraux de l'église de Bon-Secours furent réduits en miettes !