Histoire
Le territoire de Mantet ne possède pas de vestiges de l'époque préhistorique. Nos lointains ancêtres ont pourtant vécu dans les collines du Conflent, qui étaient pour eux idéales (boisées, proches de la plaine, douces au climat). Quelques autres communes des environs possèdent, en guise de preuve, des dolmens ou menhirs, bien que l'érection des mégalithes soit apparue assez tardivement (-2200). Par la suite, ni les Celtes (-500), ni les Romains (-121), ni les Wisigoths n'ont laissé de traces sur le territoire de Mantet. Après l'invasion sarrasine et le dépeuplement du Roussillon, c'est Charlemagne qui parvint à prendre cette région (811) et qui la pacifia. Commence alors l'ère chrétienne, avec la multiplication des églises rurales. C'est ainsi qu'apparut le village de Mantet.
La première mention du village se fait à travers un document sur lequel est mentionnée sa chapelle, Saint Vincent. Elle fut construite en 1101 et consacrée le 19 septembre 1102. Elle a été modifiée au moins à deux reprises : une première fois au XIIIe siècle, lorsque son abside initiale a été agrandie, et une deuxième en 1858, lorsque le mur sud et le toit ont été refaits. Un autre document atteste de son existence en 1176 et précise qu'elle était adossée au château.
Initialement, Mantet était une possession du comte de Cerdagne. À la fin du XIe siècle, il fut offert à Sainte Marie de Corneilla, au moment où ce prieuré devint une collégiale. Le 25 novembre 1378 est une date marquante pour Mantet : c'est la date de la vente de la seigneurie par Sibille, la femme de Raymond de Perillos, à Bérenger III d'Oms, qui achetait par la même occasion la seigneurie de Thorrent. La famille Oms conservera la seigneurie de Mantet jusqu'à Raymond d'Oms, qui sera obligé de rendre au roi de France, le 20 août 1682, tous ses biens suite à la perte d'un procès ayant commencé plus de 250 ans plus tôt !
En 1613, Mantet avait une population composée de 12 familles distinctes qui s'administraient elles-mêmes suivant les "usages de Barcelone", un traité édictant des règles d'utilisation des ressources forestières, des eaux et de l'entretien des chemins, basé sur le bon sens pratique. Si la propriété de Mantet était juridiquement bien établie, le fonctionnement du village était donc librement décidé par les habitants eux-mêmes. Une des caractéristiques de la vie quotidienne était que les terres étaient communes, avec peu de propriétés individuelles et un grand partage des ressources.
Un épisode tragique de l'histoire de Mantet survient durant la 2e Guerre mondiale. En 1944, les Allemands, occupant la zone libre, accusèrent les habitants de ravitailler le maquis du Canigou. Ils décidèrent alors de chasser les 95 habitants. À la Libération, seuls les éleveurs sont revenus, mais ils étaient suffisamment nombreux pour relancer le village, dont la population s'accrut régulièrement. En 1964, la route fut construite, puis l'électricité arriva en 1983.
Les filières de passage en Espagne
Durant la 2e Guerre mondiale, la frontière franco-espagnole était censée être étroitement surveillée par les forces allemandes, mais cela n'a jamais empêché le passage de clandestins entre les deux pays. Cependant, il fallait passer par des filières spécialisées dans le passage de la frontière. À Mantet, les deux filières passaient par les sentiers du Canigou et franchissaient la frontière par les Esquerdes de la Rotja ou la Porteille de Mentet.
Deux filières distinctes coexistaient : le réseau Sainte-Jeanne et la filière des Guérilleros.
Le réseau Sainte-Jeanne fut créé par le général Robert Casso en février 1941, en accord avec les services de renseignements belges, l'Intelligence Service et le consulat des États-Unis de Barcelone. Le village de Valmanya, sur le flanc sud-est du Canigou, en était un lieu de transit essentiel, tant pour le passage de renseignements que pour celui des évadés. C'est l'instituteur René Horte, par ailleurs secrétaire de mairie, qui organisait les passages. Le courrier passait par le Vallespir, mais les personnes devaient emprunter des chemins plus discrets, en altitude. Ils étaient partiellement contrôlés par un berger, lors des estives, qui donnait le feu vert pour le passage. Ce passage empruntait les forêts de Valmanya, montait sur les crêtes au Gourg du Cady et à la Coma Mitjana. Ensuite, par les crêtes des Esquerdes de Rotja, ils arrivaient au-dessus du village de Setcases. De là, ils étaient pris en charge jusqu'au monastère des Abbesses, d'où ils pouvaient partir vers Barcelone. Ce réseau fonctionna jusqu'en août 1943, mais il subit deux grandes répressions de la part des occupants.
L'autre réseau était celui des Guérilleros. Il fut créé initialement pour faire passer trois Autrichiens déserteurs en Espagne. Le point de départ était Sirach, le chemin montait à Casteil par les Artigues, puis suivait le col de Jou avant d'arriver à la Porteille de Mantet. Ce passage fut réutilisé pour faire passer trois Juifs, puis quelques autres personnes.