De quoi s'agit-il ?
L’hôtel appelé Le Belvédère du Rayon Vert est un édifice construit dans les années 1930. Il accueillait de nombreux voyageurs en route vers l’Espagne. Obligés de s’arrêter à la frontière pour obtenir un visa, ceux-ci devaient pouvoir passer une ou plusieurs nuits dans un établissement adapté à leurs moyens ou à leur standing. Cet hôtel fut conçu pour recevoir une clientèle aisée.
Par bien des aspects, il s’agissait d’un établissement très moderne. Premier bâtiment au monde construit en béton armé, il était doté d’une climatisation naturelle, véritable chef-d’œuvre d’ingénierie. Le système exploitait les vents fréquents de la région, les faisait circuler entre les murs puis les dirigeait vers les différentes salles à travers des grilles en nid d’abeille. On peut encore en voir aujourd’hui dans la salle de spectacle, en haut des murs, ainsi qu’à l’extérieur du bâtiment où elles servaient de prises d’air.
D’un point de vue architectural, l’édifice mesure 74 mètres de long, 26 mètres de large à l’arrière et seulement 9 mètres à l’avant, pour une hauteur totale de 36 mètres. Il évoque clairement la silhouette d’un bateau, choix délibéré de l’architecte qui souhaitait accentuer cette impression. Les trois étages sont entourés de coursives rappelant les ponts des navires, et le toit, surélevé d’un étage à l’arrière, évoque un poste de pilotage.
Classé trois étoiles, l’hôtel comptait en 1937 vingt-cinq chambres, dont les prix variaient entre 15 et 25 francs, service d’une femme de chambre compris. Ses prestations étaient remarquables : théâtre-cinéma, bar-restaurant, salle de jeux, bureau de tourisme, garage de 1 000 m² avec atelier et pompes à essence, ainsi qu’un standard téléphonique — encore visible aujourd’hui. L’escalier principal, de style « Grand Siècle », est en marbre de Carrare, réputé pour sa blancheur. Sur le toit, un terrain de tennis complétait l’ensemble.
De nos jours, on peut encore visiter la bibliothèque, bien que très peu fournie. À l’origine, une partie de cette pièce abritait un casino, l’autre les appartements privés de M. Deleon. Plus tard, son petit-fils s’installa au premier étage, libérant l’espace pour en faire une bibliothèque richement dotée. Mais à son décès, les livres furent vendus et le mobilier dispersé. Le propriétaire actuel a racheté un ameublement d’époque, mais non d’origine, ce qui explique la pauvreté de la collection actuelle : elle n’est plus qu’un témoignage de la vocation première du lieu.
On peut aussi découvrir le « Salon José de Zamora », nommé en hommage au peintre et décorateur espagnol qui réalisa toute la décoration de l’hôtel en échange d’une chambre gratuite. Tombé amoureux d’une habitante de Cerbère, il fit tout pour y rester. Ses œuvres représentaient souvent la même jeune fille — dont on ignore l’identité. La plupart de ses peintures ont disparu avec le temps, à l’exception de celles de ce salon, qui furent conservées.
Enfin, une chambre type a été reconstituée. Elle présente le décor, l’ameublement et l’équipement standard de l’époque : un lit, une armoire, un chevet, un meuble avec vasque, une cruche et un pot de chambre. Les murs étaient décorés de frises carrelées assorties au sol, chaque chambre ayant son propre motif.