Le feu de la Saint-Jean est une tradition profondément enracinée dans la culture catalane. Cette fête, célébrée chaque année le 23 juin, marque le solstice d'été, la nuit la plus courte de l'année. Plus qu'une simple célébration, elle incarne un message de fraternité, d'amour et d'unité entre les peuples catalans. Au cœur de cette tradition se trouve la Flamme du Canigou, symbole puissant de cette nuit magique.
Tout commence quelques jours avant la Saint-Jean, lorsque le sommet du Canigou devient le théâtre d'une intense préparation. Des bénévoles y acheminent des fagots de sarments, des ceps et des bûches pour édifier un grand bûcher. Le soir du 23 juin, ce feu est allumé, irradiant le sommet de ses flammes. À partir de cette lumière sacrée, des torches sont portées dans les villages du Roussillon, où elles servent à embraser les feux de la Saint-Jean. Ces feux s’allument alors en cascade, illuminant la plaine catalane d'une myriade de flammes dans un spectacle saisissant.
En parallèle des feux, une autre tradition perdure : le bouquet de la Saint-Jean. Ce bouquet est composé de quatre plantes spécifiques cueillies tôt le matin du 23 juin : une feuille de noyer, une branche de millepertuis, une fleur d'immortelle et une tige d'orpin. Ces herbes, choisies pour leurs propriétés symboliques et bénéfiques, sont traditionnellement attachées avec un ruban "sang et or", les couleurs de la Catalogne. Autrefois, ces bouquets étaient accrochés aux portes des maisons pour attirer chance et bonheur, une coutume encore respectée dans certaines familles. Bien que la recette exacte du bouquet ait parfois été oubliée, de nombreux Catalans perpétuent cette tradition, notamment lors des festivités où de petits bouquets sont proposés à la vente.
Outre les feux et les bouquets, la fête de la Saint-Jean est aussi marquée par des rassemblements festifs, où la musique, les danses traditionnelles et les repas en plein air créent une ambiance conviviale. Les villages organisent souvent des bals populaires, des repas de fraternité appelés germanors, et des distributions de coca de Saint-Jean, une pâtisserie typique de la région. L'accompagnement des coblas, orchestres jouant des airs catalans, confère à cette fête une dimension profondément identitaire.
La Saint-Jean catalane n'est pas qu'une fête locale : elle transcende les frontières régionales pour unir les Pays catalans autour d'un patrimoine culturel commun. En 1955, la Flamme du Canigou a été instituée comme symbole de cette union, marquant la réaffirmation des traditions dans une période de renouveau identitaire. Chaque année, elle rappelle l'importance de la préservation de ces coutumes ancestrales tout en célébrant la lumière, l'espoir et la solidarité.
Histoire de la Saint-Jean
Cette tradition est relativement récente, ayant été rétablie après la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1950, la population a voulu renouer avec cette célébration. Comme il était impossible d’allumer un feu en plein centre-ville, le premier bûcher a été dressé à Notre-Dame de la Salut, près de Pia. Cependant, l’affluence croissante a conduit à multiplier les feux, d’abord sur les collines environnantes, puis sur le Canigou.
En 1955, pour la première fois, le feu est visible dans tout le Roussillon, bien que modestement. L’année suivante, en 1956, des montagnards gravissent le sommet du Canigou avec des fagots de 2 kg portant les noms des villages participants. En 1957, le nombre de participants augmente, permettant d’allumer un feu encore plus grand et visible. C’est également à cette époque qu’émerge l’idée d’allumer des feux sur les tours à signaux. À partir de 1958, un comité départemental est créé pour organiser l’illumination du Roussillon. En 1960, les Catalans du Nord reçoivent les premiers fagots de Catalogne du Sud et même des Baléares. Cette année-là, une messe est célébrée au sommet du Canigou.
Les événements suivants m’ont été relatés par M. Iglésis lui-même, président du Cercle des Jeunes dans les années 1950.
1963 - Jean Iglésis, président du Cercle des Jeunes, initie un relais de coureurs pour descendre le feu du Canigou jusque dans la plaine, afin d'allumer un "Rey del foc" au Palais des Rois de Majorque.
1964 - Jean Iglésis propose l’idée d’une flamme perpétuelle. Chaque année, cette flamme embrasera le feu du Canigou. Cette même année, une lampe à huile est allumée à la loupe grâce aux rayons du soleil, donnant naissance à une flamme symbolique. Joseph Deloncle s’associe à cette initiative et demande à Marguerite Mestre de conserver cette flamme dans l’âtre reconstitué de sa cuisine à la Casa Pairal. Trois montagnards veillent ensuite sur la flamme au sommet du Canigou durant toute une nuit.
1966 - Un feu symbolique est allumé sur la frontière au col d’Ares, marquant le lien entre la Catalogne Sud et la Catalogne Nord.
1967 - La flamme atteint Barcelone pour être diffusée dans tous les Pays catalans.
1972 - Des villages catalans apportent des fagots pour régénérer la Flamme du 23 juin. Cette flamme est ensuite répartie dans des milliers de communes pour allumer leur Feu de la Saint-Jean. C'est aussi l'année de l'inauguration par Jean Iglésis, surnommé "Le Pacha", qui a gravi le Canigou 223 fois.
1972 - Le premier congrès de la Saint-Jean se tient à Alénya. Depuis, chaque année, un village différent accueille cet événement, qui rassemble les comités organisateurs et les gardiens des traditions. La "Festa Major" de Perpignan renaît également, avec de nombreuses manifestations catalanes.
1979 - Lecture officielle du "Message de la Saint-Jean" avant l’allumage des feux, message remis à chaque village avec la Flamme du Canigou.
1975 - Les Catalans de Paris reçoivent la flamme par avion et plantent un arbre du Canigou dans la "Cité Fleurie".
1976 - Le tronçon d'autoroute, initialement nommé "La Languedocienne", devient "La Catalane" grâce à l’action du comité des Feux de la Saint-Jean.
1980 - La fête des Feux de la Saint-Jean devient la "Festa Nacional dels Països Catalans".
1981 - La flamme atteint la Provence grâce à l'Amicale des Catalans. Jean Maillach crée la Maintenance des Feux de la Saint-Jean pour préserver la tradition.
1981 - Un message de la Saint-Jean est diffusé au monde entier en dix langues depuis le pic du Canigou.
1986 - Une école du village de Pia apporte la flamme à Paris, où elle est remise au président de la République et à la mairie de Paris.
1987 - La flamme est reçue au Conseil de l’Europe à Strasbourg, marquant un geste symbolique d’union européenne.
1994 - Le plus grand feu européen est allumé à Huy, en Belgique, avec la flamme du Canigou, portée par une délégation catalane.
2001 - Le Congrès Européen des Feux de la Saint-Jean et de la Flamme du Canigou se tient à Monaco.
2003 - La flamme est accueillie en Italie et en Suisse, où des Catalans la portent jusqu’au sommet du Canigou pour la Trobada.
2010 - Le Parlement de Catalogne officialise le titre de "gardien de la Flamme", en hommage à ceux qui préservent cette tradition pour les générations futures.
La flamme du Canigou
Saviez-vous que le brasier au sommet du Canigou n’est pas allumé avec un simple briquet, mais avec une flamme soigneusement préservée d’année en année ? Cette flamme est conservée religieusement dans le Castillet, au rez-de-chaussée, où chacun peut venir l’admirer. Pour découvrir comment cette lampe a été allumée pour la première fois, il suffit de s'intéresser à ce qui s’est passé en 1964 !
La charte du feu de la Saint-Jean
Le thème :
- Fête de l’amitié et du solstice d’été, héritée des traditions ancestrales.
- Manifestation célébrant la convivialité et les traditions propres à la culture catalane.
- Fête unificatrice portée par la "flamme du Canigou", adaptable à toutes les cultures, en divers lieux de France et du monde.
Approche de la catalanité : Encourager à redécouvrir, connaître et apprécier avec tolérance les spécificités catalanes : sa langue, sa culture, sa mémoire et ses racines. Ces valeurs sont à partager avec ceux qui les respectent et souhaitent les découvrir.
Ce qui est exclu : Toute forme d’intolérance ou de xénophobie, ainsi que toute récupération partisane ou politique.
Les moyens : Favoriser la rencontre et la collaboration entre le plus grand nombre pour permettre la réalisation d’événements tels que les congrès, la montée des fagots au pic du Canigou, la régénération de la flamme, et la fête du 23 juin.