Histoire
Le Perthus est situé sur un col permettant le passage d’un versant à l’autre des Pyrénées. Cet emplacement stratégique a toujours été convoité. Les premiers à en comprendre l’importance furent sans doute les Romains, qui y firent passer la Via Domitia. La ville est aujourd’hui divisée en deux parties distinctes : le Perthus français et le Perthus espagnol, ce dernier faisant en réalité partie de la commune de La Jonquera, plus au sud.
Les premières traces d’activité humaine au Perthus ne remontent qu’à l’époque romaine. Aucun vestige antérieur n’a été découvert, et notamment aucun mégalithe, contrairement à ce que l’on trouve dans les Albères (comme le dolmen de la Siuréda à Maureillas ou le dolmen de Na Cristiana à l’Albère). Les traces romaines, en revanche, sont nombreuses dans la vallée menant au col. Il s’agit essentiellement de la Via Domitia, qui traverse le col de Panissars, ainsi que de divers édifices militaires destinés à contrôler la région.
Lorsque le général romain Pompée vainquit Quintus Sertorius, gouverneur de la péninsule Ibérique, il fit ériger un monument à la gloire de son armée à l’entrée du territoire conquis. Longtemps recherché, ce monument fut finalement localisé au Perthus. On le connaît aujourd’hui sous le nom de Trophée de Pompée.
Après la chute de Rome et la prise de la Septimanie par les Wisigoths en 412, le territoire du Perthus conserva son rôle stratégique de poste de surveillance des Pyrénées. Le point central du dispositif défensif était le château d’Ultrera, mais le Perthus possédait lui aussi ses édifices militaires, aujourd’hui en ruines. En 739, les Sarrasins conquirent militairement l’actuelle Espagne, puis tout le sud de la France. Ils furent finalement repoussés au-delà des Pyrénées après la bataille de Poitiers (811), remportée par les Francs. Ces nouveaux territoires furent confiés à des pionniers venus du Nord, marquant le début de l’histoire médiévale du Roussillon.
Le plus ancien texte mentionnant le Perthus date de 881, sous le nom de "villare Portus". Le terme "villare" désigne alors une bourgade de taille moyenne, plus petite qu’une "villa". Vers 1306, alors que le Roussillon s’est détaché de l’empire franc pour devenir catalan, on trouve une autre mention : "Pertusium de parrochia Santa Maria de Clusa". Cela nous apprend que le Perthus dépendait alors de la paroisse des Cluses.
Ville-frontière, le Perthus fut toujours étroitement surveillé. Une tour de guet fut érigée au Moyen Âge sur la colline surplombant la ville. Elle sera intégrée au XVIIe siècle dans une véritable forteresse : le fort de Bellegarde, construit par Vauban, et remanié à plusieurs reprises. La présence d’une garnison a longtemps stimulé la croissance démographique du village.
La municipalité du Perthus fut officiellement formée en 1851, après une fusion administrative en 1836 réunissant les communes du Perthus, des Cluses et de l’Albère. Cette fusion fut annulée en 1948, rendant leur autonomie aux trois villages.
Un témoignage insolite du Perthus nous vient d’un article publié dans *L’Indépendant* le 13 janvier 1906 :
Un petit village qui ne se nourrit pas mal. Si nous faisons le bilan de ce que mangent, en un an, les 600 habitants du Perthus, nous trouvons, pour 1905, une consommation de 41 501 kg de viande de boucherie ! À toi, Gargantua !
Mais ce n’est pas tout. Si nous pouvions compter les volailles, les lapins, le gibier qui s’engouffrent dans ces 600 ventres, nous verrions que le Perthus est une ville bénie des dieux, et que les souhaits du bon roi Henri y sont largement exaucés.
Bien entendu, si l’on mange bien, on boit mieux encore. Nous ne connaissons pas ici la crise vinicole ; nous n’avons pas besoin de marchands étrangers pour vider les caves de nos propriétaires : nous seuls, c’est assez.
Étonnez-vous, après cela, si la moyenne de vie, pour 1905, a été de 78 ans et demi !
Nous disons tout cela, non pour nous vanter, mais pour inciter les autres communes à faire comme nous. C’est la grâce que je leur souhaite.
Par la suite, Le Perthus s’est développé lentement. Il restait un petit village agricole vivant essentiellement du passage frontalier. Ce dernier sera au cœur de l’un des épisodes les plus douloureux de l’histoire récente : la Retirada.
La Retirada
Retirada signifie "retraite" en espagnol. Ce terme désigne la fuite des républicains espagnols face à l’avancée des troupes franquistes. Durant l’hiver 1939, des foules immenses franchirent la frontière, cherchant un refuge que la France n’était guère préparée à offrir.
Les autorités françaises, rapidement dépassées par l’ampleur du phénomène, organisèrent en urgence des camps de regroupement, souvent dans des conditions précaires. Ces camps, à encadrement militaire, souffraient d’un manque cruel d’hygiène et de ressources. Beaucoup de réfugiés y moururent. Pour notre région, cet épisode reste une plaie ouverte.
Les principaux camps se trouvaient à Prats-de-Mollo, sur la plage d’Argelès-sur-Mer, et au tristement célèbre Camp Joffre. Pour en savoir plus, consultez notre dossier sur la Retirada.